mercredi 31 août 2016

Sus à l'envahissant Prunus serotina ou cerisier tardif

Comme mes nombreux confrères photographes et amoureux du Pays de Fontainebleau, je suis sensible à l'état des paysages des sites naturels où je vais faire mes photos. En tant que photographe illustrateur, je ne peux que regretter les nombreuses dégradations constatées sur ces sites, en témoigner et inciter aux changements, quand ils sont encore possibles !

Outre le portail d'information de la Tribune Libre de Bleau qui y participe, je souhaite que vous puissiez trouver sur mon blog photo les informations nécessaires à la sauvegarde de nos sites. Dans cette optique, je diffuserai régulièrement des informations sur les programmes de sciences participatives liés aux inventaires de la faune et de la flore mais aussi aux espèces invasives ! Je commence donc cette série avec celui que l'on appelle  Cerisier d'automne, Cerisier noir ou Cerisier tardif et qui répond au nom de Prunus serotina !


Cet arbre est une espèce originaire de l'Est du continent Nord-Américain (parfois confondu avec Prunus padus). Le genre Prunus regroupe plus de 200 espèces d'arbres et arbustes de la famille des Rosacées, dont beaucoup sont cultivées pour leurs fruits (Abricotier, Amandier, Cerisier, Pêcher, Prunier) ou pour leur valeur ornementale (Cerisier du Japon, Cerisier de Virginie, Laurier-cerise...).

Prunus Serotonia lorsqu'il prend la taille d'un arbre est donc un beau cerisier même s'il n'a que peu d'intérêt dans la production de fruit. Les feuilles, les rameaux et les graines contiennent des substances toxiques (glycosides cyanogènes).



Feuille de Prunus serotina
Feuille de Prunus serotina

Alors pourquoi donc s'inquiéter de sa présence à Fontainebleau ou en Ile-de-France ?






Son introduction en Europe remonte à 1623 ou 1629 par Robin, près de Paris. Il fut rapidement planté dans les parcs et arboretums dans les décennies suivantes. Il aurait été planté en forêt vers le 18ème siècle, soit comme plante ornementale, soit pour la production de bois, puisqu’on y voit alors une sorte de « merisier à croissance rapide ». Jusque dans les années 1950 on recommande de le planter en sous étage des plantations de résineux, pour limiter la dégradation des sols. Parallèlement, on en fait la promotion comme parefeu !
Depuis quelques décennies, il est reconnu comme une espèce exotique envahissante présente dans presque tous les pays d’Europe occidentale  du fait de sa très forte colonisation d'espaces !

En effet, ce Cerisier colonise les espaces forestiers semi-naturels, en particulier sur les sols acides, pauvres et bien drainés. Il peut s’établir dans des clairières et le long des lisières forestières.

En forêt de Compiègne, dans l'Oise, il couvre désormais 80 % de la surface de la forêt domaniale ! Sur la TL²B, nous avons plusieurs fois relayé le cris d'alarme des associations de sauvegarde (voir l'article d'hier). A Fontainebleau, autour de Bois le Roi, sa très rapide propagation, me fait craindre le pire car s'en débarrasser est très complexe et surtout extrêmement couteux !

Son impact est surtout économique puisqu'il altère considérablement la fonction de production Sylvicole notamment dans la phase de régénération des parcelles. Depuis plusieurs décennies, les forestiers ont pu constater l’envahissement total de parcelles forestières mises en régénération. Par sa rapide croissance et le couvert qu'il développe, il entraîne un gros retard dans le développement . Pour une période de référence de 30 ans, la perte financière à l’hectare sur sol podzolique et sec (type de station le plus touché par l’invasion) représenterait 288 euros/ha/an en moyenne pour une régénération artificielle de chêne sessile, ou 114 euros/ha/an en moyenne pour une régénération naturelle de hêtre (Decocq 2008).

Le coût de l’éradication du cerisier tardif pour la forêt de Compiègne est estimé à environ 48 millions d’euros soit 4137euros/ha !

Les autres massifs de la région sont en phase de colonisation par Prunus serotina et les surfaces d’intervention seraient limitées à un total de 96 ha répartis sur 5 massifs. Le coût total d’éradication du Cerisier tardif dans ces massifs est estimé à 387 000 euros. Si les coûts d’intervention rendent utopique toute éradication du Cerisier tardif en forêt de Compiègne, il n’en n’est pas encore de même pour les autres massifs de la région où l’invasion est pour l’instant très localisée. Traiter 96 ha permettrait théoriquement de protéger une surface cumulée de 30 000 ha de l’invasion !



 Que sait-on sur son pouvoir invasif ?


Un programme de recherche sous la responsabilité de G. Decocq (Université de Picardie) intitulé « Dynamique invasive du cerisier tardif, Prunus serotina Ehrh., en système forestier tempéré : déterminants, mécanismes, impacts écologiques, économiques et socioanthropologiques » a été engagé en 2003. L’objectif principal de cette recherche était d’explorer les modalités de l'invasion des massifs forestiers du nord de la France par Prunus serotina et d’en évaluer les conséquences écologiques, économiques et socio anthropologiques.

Feuille de Prunus serotina
Feuille et fruit Prunus serotina

Mode de propagation

Les graines sont dispersées par gravité et par les animaux notamment les mammifères (grande faune, rongeurs, renards) et les oiseaux. Bien que les animaux puissent transporter les graines sur de longues distances, il a été évalué que 50% des semis sont présents à moins de 200 m du pied mère et un tiers entre 200 et 400 m. Le Cerf élaphe (Cervus elaphus), le Chevreuil (Capreolus capreolus) et le Sanglier (Sus scrofa) consomment les fruits de l’arbuste mais en présence d'autres sources de nourriture (glands) ils préfèrent les délaisser. En raison de composés cyanhydriques toxiques présents dans les feuilles, ces dernières ne sont pas sonsommées par les herbivores

Cette étude a permis de montrer que l’invasion par Prunus serotina est la conséquence de certaines perturbations récentes, en partie liées à la gestion forestière, mais qu’à court terme, cette invasion a peu d’effet direct sur l’écosystème forestier, n’altérant pas son fonctionnement à court ou moyen terme. Il y aurait suffisamment d’énergie disponible dans l’écosystème pour que l’envahisseur puisse se développer sans nuire aux essences indigènes, tout au moins dans les premières décennies suivant son implantation (Decocq 2008).

Les différences entre parcelles envahies et parcelles non envahies observées sur le site de la forêt de Compiègne répondent à un déterminisme complexe et multifactoriel. Mais quels seront les effets à long terme de Prunus serotina sur cette forêt ? Cette espèce semble avoir les atouts lui permettant de se maintenir durablement et massivement dans l’écosystème. Un impact sur le fonctionnement des écosystèmes forestiers envahis est donc naturellement attendu...

"Etant donné le pas de temps très long sur lequel évolue un système forestier tempéré, un tel impact ne pourra certainement pas être objectivé avant plusieurs décennies, voire plusieurs siècles (Decocq 2008)". Pour autant, doit-on laisser faire et jouer aux apprentis sorciers ?


Fleurs de Prunus serotina , Rocher Saint Germain, Fontainebleau 2016


Paradoxalement, alors que le Cerisier tardif peut devenir l'espèce dominante de la canopée dans les forêts gérées, peu de changements ont été observés sur la composition et la richesse spécifique de la strate herbacée, ce qui suggère que l’espèce peut se naturaliser avec peu d'impacts sur la communauté d’accueil, du moins dans les premières décennies après l'invasion du couvert forestier (d'après Chabrerie et al. 2008; Godefroid et al. 2005; Verheyen et al. 2007).

Chabrerie et al. démontrent en 2009 que le Cerisier tardif induit une baisse de la diversité fonctionnelle dans les sites envahis. Il devient en fait une « espèce structurante » dans l’écosystème envahit en induisant la convergence des traits biologiques des espèces présentes et la spécialisation de la communauté végétale (adaptation à l’ombre). Il favorise ainsi des traits qui permettent aux espèces de capturer les ressources dans le nouvel environnement qu’il a crée, et réduit les hétérogénéités locales du milieu.


Les résultats du programme de recherche engagé en 2003 a permis de proposer trois stratégies de gestion différentes en fonction de l’état des parcelles forestières envahies.

- pour éviter l’extension du Cerisier tardif dans de nouveaux sites : mise en place d’un système de suivi visant à détecter le plus précocement possible la présence de l’espèce aux stades de plantule et de très jeune arbuste (augmenter la fréquence de visite des parcelles, élimination systématique des sources de graines, en coupant les arbres adultes avant la maturité des fruits en septembre. Pour éviter les rejets, un traitement chimique des souches est souhaitable).

- pour éviter que les parcelles déjà colonisées par les plantules atteignent le niveau 2 (i.e., l’établissement d’arbres adultes) : allongement des rotations de coupes de manière à réduire la fréquence d’arrivée de la lumière au niveau du sol. Des coupes « pied à pied » devraient être préférées aux coupes « à blanc » pour accélérer la fermeture de la canopée, et donc réduire le risque que le Cerisier tardif comble la trouée avant les essences indigènes. Eviter la destruction des arbustes du sous étage et favoriser leur développement afin d’augmenter la compétition entre les plantules du Cerisier tardif et les espèces indigènes.

- pour empêcher que les parcelles présentant déjà des arbres adultes établis atteignent le niveau 3 (i.e., invasion complète), les mêmes mesures que précédemment  peuvent être recommandées. De plus, tous les arbres matures du Cerisier tardif devraient être abattus pour éviter la dispersion de graines et la mise en place d’une banque de plantules. Pour éviter que les individus juvéniles déjà présents en sous bois atteignent la canopée, il serait intéressant de démarrer artificiellement une phase d’aggradation dans les trouées en plantant des essences indigènes tolérant l’ombre et à croissance rapide (e.g. hêtre, charme, érable sycomore) qui sont associés à de faibles indices de risque partiels.


Pas moins d'une dizaine de jeunes Prunus serotina , sur quelques mètres carrés ! L'invasion a débuté...
 Rocher Saint Germain, Fontainebleau 2016

- Enfin, pour les parcelles déjà complètement envahis (niveau 3), un seuil irréversible a été probablement atteint et aucune solution immédiate ne peut être proposée. Cependant, il est recommandé d’éliminer tous les individus du Cerisier tardif sur une bande de terrain de plus de 100 m de large le long du front d’invasion. Même si une végétation forestière indigène ne peut être restaurée dans ces parcelles, cela pourrait au moins réduire l’invasion des parcelles voisines.


Voilà ! Donc, si comme moi vous souhaitez que notre belle forêt de Fontainebleau ne se transforme pas dans ses sous étages en forêt de Prunus, rejoignez le mouvement des Arracheurs de plantes invasives et notamment l'ASABEPI dont parle la TL²B.

WANTED !


En attendant, voici à quoi ressemble Prunus serotina Ehrh.
Arbre à feuillage caduc pouvant atteindre jusqu'à 30 m de hauteur mais qui s’observe fréquemment comme arbuste ou petit arbre.




Ecorce de Prunus serotina ,
Rocher Saint Germain, Fontainebleau 2016
L’écorce du jeune tronc est lisse, de couleur brun rougeâtre, foncé à noire. Avec l’âge, elle se fracture et laisse apparaître des écailles plus ou moins rectangulaires dont les bords inférieurs et supérieurs tendent à se recourber vers l’extérieur.

Les feuilles sont entières, alternées, légèrement denticulées et effilées à l’extrémité. La face supérieure est d'un vert luisant tandis que la face inférieure est mate.  Le Cerisier tardif commence à fleurir à l'âge de sept ans. La floraison s'étale de mai à juillet. Les fleurs blanches sont organisées en une grappe terminale de 10 à 15 cm de long et de forme oblongue cylindrique.
Les fruits ressemblent à de petites cerise de couleur rouge foncé à noir et larges et contiennent une graine.

Dernier conseil, réfléchissez avant de planter de tels arbres dans votre jardin... Nul doute que ceux qui ont envahi le Rocher Saint Germain viennent tout droit de Bois le Roi. Autour de cette ville, l'invasion ne cesse de s'étendre... et ce n'est pas la seule ville limitrophe de la forêt de Fontainebleau.

mardi 30 août 2016

Connaissez-vous l'Armérie des sables ?

Prairie du Rocher Saint Germain
J'ai profité de l'été pour vous préparer quelques nouveaux articles sur la faune et la flore du Pays de Fontainebleau. Car, oui, il n'est pas nécessaire d'aller bien loin pour partir à la découverte des richesses exceptionnelles de notre Pays. Saviez-vous par exemple que notre forêt de Fontainebleau abrite cette drôle de leur qu'est l'Armérie des sables ?

L'Armérie des sables (Armeria arenaria ) est une plante vivace de la famille des plombaginacées. Commençons par le plus visible : les pompons roses qui s'agitent au vent dans la prairie de juin à septembre. Une aubaine pour les nombreux insectes mellifères !
En effet, sa partie aérienne se présente sous la forme d'une grande tige (20 à 60 cm) sans feuilles, enveloppée au sommet d'une gaine tubuleuse et terminée par une grosse inflorescence  rosée. Je dis inflorescence et non fleur car ce pompon de 2 cm de diamètre est en fait un regroupement de plusieurs fleurs.

Dans la prairie, vous aurez peut être du mal à distinguer ses feuilles très étroites et toutes disposées à la base de la tige.

Cette fleur est caractéristique des pelouses rocailleuses ou sablonneuses des montagnes du sud-ouest de l'Europe. En France, elle est donc surtout présente dans le sud-est où elle peut pousser jusqu'à 2 800 m d'altitude dans les Alpes du sud mais aussi dans les Pyrénées . Elle est aussi très présente dans le sud du Massif central (Aubrac, Cévennes). En revanche, passé cette limite, elle se fait plus rare comme dans les régions de plaine au nord du Massif central (Loire, Allier, Centre) jusqu'en Ile-de-France.

L'Armérie des sables (Armeria arenaria )
L'Armérie des sables (Armeria arenaria ), Rer Saint Germain
(c) 2016 Greg Clouzeau


A Fontainebleau, elle trouve les influences climatiques nécessaires à son maintient et son abondance dans certains biotopes s'explique par la forte présence de sols siliceux qu'elle affectionne... C'est le cas notamment dans les grandes prairies qui bordent l'Hippodrome de la Solle (au Rocher Saint Germain).

Prairie du Rocher Saint Germain où fleurissent les Arméries en grand nombre (C) 2016 Greg Clouzeau
Prairie du Rocher Saint Germain où fleurissent les Arméries en grand nombre (C) 2016 Greg Clouzeau


lundi 29 août 2016

Le lézard vert juvenile à Fontainebleau

lézard vert juvénile  (Lacerta bilineata) Trois Pignons, (C) 2016 Greg ClouzeauIl y a 6 ans, j'avais publié un article sur les lézards de la forêt de Fontainebleau contenant une grossière erreur d'identification.
En effet, j'ai confondu un lézard vert (Lacerta bilineata; anciennement Lacerta viridis)  juvénile avec un lézard des souches (Lacerta agilis) ! 

Une mésaventure qui aurait encore bien pu m'arriver en croisant un beau spécimen si je n'étais averti.


En effet, le mâle lézard des souches présente habituellement une queue et des membres arrières marrons. Les jeunes lézards verts naissent.... BRUNS ! Vu de dos, la méprise est donc possible.

lézard vert juvénile  (Lacerta bilineata) Trois Pignons, (C) 2016 Greg Clouzeau
lézard vert juvénile  (Lacerta bilineata) Trois Pignons, (C) 2016 Greg Clouzeau

Le juvénile du lézard vert est d'un brun uniforme sur le dessus et vert pomme dessous la première année. Avec la croissance, lors de la deuxième année, deux lignes blanchâtres se distinguent en haut et en bas de chaque flanc. Sur le dos, apparaissent souvent des taches noires irrégulièrement disposées. Adultes, certaines femelles conservent ce dessin ligné.

lézard vert juvénile  (Lacerta bilineata) Trois Pignons, (C) 2011 Greg Clouzeau


Le lézard des souches mâles n'a que les flancs et les membres avant verts, le dos et les pattes arrières étant brunes avec des tâches. Les femelles sont marrons avec ses flancs plus foncés et parfois des petits points blanc autour ses membres avant, le haut du dos est aussi marron.

Le lézard vert se distingue donc de son cousin par l'absence d'une couleur de fond brun sombre entre les deux lignes claires dorsolatérales, l'absence d'ocelle, la silhouette plus empattée et la longueur de la queue... (30 à 40 cm queue comprise).

lézard vert juvénile  (Lacerta bilineata) Trois Pignons, (C) 2016 Greg Clouzeau
lézard vert juvénile  (Lacerta bilineata) Trois Pignons, (C) 2016 Greg Clouzeau

Le mâle adulte  est vert, comme son nom l'indique. Le dos et les flancs sont constellés de petites écailles noires, son ventre est jaune et il devient bleu sur la gorge et les joues en période nuptiale.

La coloration des femelles est très variable. Certaines sont grises ponctuées de taches noires disposées symétriquement, d'autres sont vertes comme les mâles.

vendredi 5 août 2016

N'oubliez pas de passer vos commandes !

Regarder mes photos sur un écran c'est super. Oui, mais pour moi, rien ne vaut un bon tirage réalisé par un laboratoire professionnel et que vous pouvez admirer tous les jours dans votre maison, au bureau ou celui qui décore votre salle de réunion, les couloirs de votre gîte, etc.


En plus des calendriers et du cahier de posters, je vends régulièrement des tirages d'art de mes images sélectionnées parmi celles diffusées sur mes sites ou dans ma photothèque du pays de Fontainebleau.

Pour vous proposer encore plus de choix et d'avantage de possibilités d'encadrement, une sélection non limitée de mes photographie est désormais disponibles toute l'année sur le site du laboratoire professionnel ArtPhotoLimited.

J'avais fait une première sélection avec un autre laboratoire (certaines sont toujours disponibles dans la limite des 30 exemplaires) mais pour vous proposer un plus vaste choix, ce changement de laboratoire s'est imposé. Vous pouvez y découvrir d'autres photographies y compris photos de rue, montagne, mer...

A ce sujet, si d'autres de mes photos vous intéressent, n'hésitez pas à me l'écrire en commentaire de l'article ou en m'envoyant un mail et je l'ajouterai à la galerie.

A très vite !