Souvent dissimulées par la végétation basse, les mares de la forêt de Fontainebleau et des Trois Pignons sont un élément aussi caractéristique du paysage de ce massif qu'un biotope exceptionnel, fragile et menacé. A cela, s'ajoute un véritable intérêt, tant historique que patrimonial, qui leur vient des fonctions sociales et économiques qu'elles eurent à travers les âges même si aujourd'hui, leur fonction est plus touristique et récréative. Si les visiteurs fréquentent massivement les grandes célèbres mares de la forêt comme la Mare aux Evées (au nord) ou la Mare aux Fées (au sud), les randonneurs en croisent sur presque tous les sentiers balisés de la forêt. En s'écartant un peu du chemin, les photographes et les naturalistes iront eux à la recherche de mares beaucoup moins fréquentées et des trésors qu'elles abritent.
On a coutume de dire qu'il existe une trentaine de mares dans la forêt. C'est sans compter sur les petites mares, les tourbières, et les petits secrets des naturalistes. Chacune est unique et a ses particularités, sa lumière, sa faune, sa flore, et ses fans. Bien que les plus grandes figurent sur les cartes IGN top 25, je donne rarement leur position précise et jamais pour celles qui restent non indiquées.
Qu'est ce qu'une mare ?
Il existe en forêt de Fontainebleau, des Trois Pignons, de la Commanderie, bref dans le Pays bleausard, une très grande diversité de zones humides et de milieux aquatiques. Il y a par exemple les rives de la Seine et du Loing, l'immense Réserve Naturelle de la Sorques, les marais de Larchant et d'Episy, les aqueducs et les mares. Certaines sont totalement artificielles (comme la Mare aux Evées construite pour assécher un ancien marécage), d'autres, naturelles, ont été aménagées et entretenues comme la Mare aux Fées ou du Coquibus, et certaines, souvent situées sur les platières, ne semblent pas avoir été beaucoup utilisées par l'homme. C'est le cas notamment des mares éphémères des platières et autres tourbières.
Tourbière, Rocher de Cornebiche, Trois Pignons |
Dans leur grande majorité, les mares de Fontainebleau reposent sur les platières, c'est à dire sur d’immenses dalles de grès dont la surface très irrégulière offre des creux de différentes tailles. Ces creux retiennent les eaux de pluie, (unique source d'alimentation) formant des mares plus ou moins grandes, allant de la vasque temporaire à la grande mare permanente (Franchard Ermitage, Mare aux Fées...). Situées dans des secteurs plus ou moins sableux et donc drainants, elles sont les seuls milieux aquatiques au cœur de nos forêts. Situé en plein soleil, ces biotopes s’assèchent rapidement, la roche surchauffée accélérant l'évaporation. Pour autant, ces mares, même éphémères, abritent une faune et une flore qui se sont spécifiquement adaptées à une chaleur de l’eau précoce, très acide et à un assèchement périodique.
Un biotope riche, fragile et en voie de disparition !
D'une surface réduite et souvent peu de profondes, les mares, sont des éléments déterminants dans un écosystème comme celui des platières (voir par exemple celle des Grands Aveaux). Autour de celles-ci, les populations de maintes espèces végétales et animales varient considérablement, parfois d’une saison sur l’autre, jusqu' disparaître complètement (voir par exemple le suivi de la Mare aux Cerfs par mon ami Djamal sur plusieurs années). Cette instabilité est autant le signe de la richesse de ce biotope que de sa fragilité. Par ailleurs, elles concentrent en des espaces réduits le plus grand nombre d'espèces animales et végétales protégées. Si les grands mammifères s’y abreuvent assez peu, mares et marais fournissent aux sangliers la boue dont ils font souille en s’y vautrant. Elles abritent des oiseaux et sont souvent un terrain de chasse exceptionnel pour les prédateurs. Enfin, sites de reproduction des amphibiens (Grenouilles, Tritons…) et des odonates (Libellules, Demoiselles…), les mares abritent d’innombrables espèces animales strictement aquatiques qui leur sont inféodées (Protozoaires, Crustacés, Annélides, Mollusques, Acariens…).
Du côté des végétaux, on trouve là aussi une multitude d'espèces inféodées à l'eau. Certaine sont solidaires du fond (Characées, Utriculaires…) alors que d’autres flottent librement à l'extrémité d'une longue tige, insensibles aux variations du niveau (Potamots…). Mais c'est sur les rives que l'on trouve bon nombre d'espèces remarquables. Vous en saurez plus en téléchargeant ce pdf édité par DRIEE IDF.
Mais attention, ici l'équilibre est parfois fragile. Certaines mares ont rapidement été envahie suite à des introductions d'espèces envahissantes. On trouve dans nos mares d'inoffensif poissons rouges mais aussi des tortues de Floride ou l'invasif mais très jolie Iris des Marais.
Malheureusement, ces milieux humides sont en régression ! Ils nécessitent donc parfois une gestion spécifique pour maintenir l'ouverture du milieu ou éviter leur comblement naturel. C'est une conséquence méconnue de la disparition des troupeaux d'ovins, porcs et bovins qui fréquentaient autrefois (jusqu'au XIXe) nos forêts ainsi que de la diminution du nombre de grands incendies. Aujourd'hui, sans un curage régulier, certaines mares et tourbières sont aussi menacées par la colonisation des pins.
Mare des Marchais, Trois Pignons envahie par les jeunes pins |
La journée mondiale des Zones Humide est fixée au 2 février de chaque année par la convention de Ramsar.
Un inépuisable sujet pour les photographes et les chercheurs...
Tiens, vous vous êtes sûrement demandé comme moi quelle était l'origine de cette coloration rouille originale.
Mare éphémère sur la platière de Cornebiche, Trois Pignons |
La couleur d'une eau est déterminée à la fois par la réflexion de la lumière incidente, par l'absorption des longueurs d'ondes lumineuses par les molécules d'eau et par l'absorption par les éléments dissous ou en suspension dans l'eau.
Les deux premiers paramètres sont par exemple responsables de la couleur plus ou moins bleue de la mer alors que l'eau est transparente. Les substances contenues dans l'eau, quant-à-elles, sont la raison des autres colorations de l'eau. Pour les mares de Fontainebleau, si l'eau paraît rougeâtre, c'est qu'elle contient un pigment qui absorbe toutes les longueurs d'ondes, à l'exception du rouge qu'il renvoie. C'est souvent le cas de nos mares qui contiennent beaucoup de déchets végétaux en décomposition dont certains sont très taniques et orangé (feuilles de chênes, châtaigners...).
Les deux premiers paramètres sont par exemple responsables de la couleur plus ou moins bleue de la mer alors que l'eau est transparente. Les substances contenues dans l'eau, quant-à-elles, sont la raison des autres colorations de l'eau. Pour les mares de Fontainebleau, si l'eau paraît rougeâtre, c'est qu'elle contient un pigment qui absorbe toutes les longueurs d'ondes, à l'exception du rouge qu'il renvoie. C'est souvent le cas de nos mares qui contiennent beaucoup de déchets végétaux en décomposition dont certains sont très taniques et orangé (feuilles de chênes, châtaigners...).
La magie des couleurs des petites bassines des rochers de la forêt de Fontainebleau |
Mais à Bleau, on trouve aussi la célèbre eau ferrugineuse !
Dans ce cas, le pigment est d'origine minérale. Ainsi, l'oxydation du fer dissous dans l'eau acide des mares au contact de l'oxygène peut entraîner une coloration de l'eau, de la même façon que le fer oxydé adopte cette teinte rouille. Il est aussi possible que l'eau de surface lessive des roches riches en fer et se charge alors en hydroxyde de fer (Fe(OH)3).
Et les tourbières ?
Les tourbières sont des milieux gorgés d’eau presque en permanence. Elles sont constitués de matière organique végétale morte et mal décomposée, qui offre un substrat à diverses espèces végétales caractéristiques comme des sphaignes, mousses caractéristiques des tourbières acides, ou la moline, une herbe très intéressante. Au fur et à mesure qu’elles poussent, leur base meurt. Il y a ainsi une accumulation de végétaux morts et de matière organique qui, sous l’effet du tassement et sans oxygène, forme la tourbe. Cette évolution se fait très lentement (3 à 5 cm d’épaisseur correspondent à un siècle environ). En s’accumulant sur des milliers d’années, la tourbe a emprisonné des témoins biologiques ou matériels des temps anciens. La palynologie (l’étude des pollens) et la paléopalynologie (celle des pollens « fossiles ») des tourbières peut nous renseigner sur l’évolution de la végétation et des climats au cours des 15 000 dernières années. A Fontainebleau, certaines mares ont fait l'objet d'une étude géologique de datation des sédiments par sondages révélant parfois des fréquentations humaines très anciennes (jusqu'à la Préhistoire).
A Fontainebleau, on facilement les tourbières notamment lorsque l'on se trouve en présence d'un paysage de touradons. Le terme « touradon » est donné en botanique et en géomorphologie à des buttes ou mottes d'herbes, plus ou moins arrondies et dont la taille va de 40 centimètres à plus d'un mètre de haut ! C'est fréquemment le cas des touffes de molinie, de Carex paniculata et d'osmonde royale.. .
Tourbière sur les Platières de la Touche aux mulets, Trois Pignons. |
Molinia caerulea ou la molinie bleue, aussi appelée « paleine », est une espèce de plantes monocotylédones de de la famille des Poaceae, sous-famille des Pooideae, originaire d'Eurasie et d'Afrique du Nord. Ce sont des plantes herbacées vivaces poussant en touffes atteignant jusqu'à 2 mètres de haut, et qui préfèrent les sols humide et acides. Cette espèce forme localement des peuplements denses très étendus : les « molinaies ».
Touradons de Molines dans les mares des Couleuvreux, Fontainebleau |
Ces plantes semblent, avec les sphaignes, jouer un rôle de plantes facilitatrices pour l'implantation des bruyères, callunes, bouleaux, bourdaines et malheureusement les pins qui s'y établissent volontiers si le niveau de l'eau le permet. Les touradons servent aussi d'abris à de nombreux organismes, dont tritons, salamandres, grenouilles et crapauds, tout ou partie de l'année.
Les tourbières ont très vite attirées les hommes. En Irlande par exemple, elles furent exploitées comme matériaux de construction et combustible dès la sédentarisation des hommes. Par ailleurs, elles sont parfois utilisées en hydrologie pour leurs capacités à retenir l'eau.
Merci beaucoup pour cet excellent article riche d'informations et de belles illustrations !
RépondreSupprimer