jeudi 8 juin 2023

[Fiche de bloc] Basse Pierre et Sous Pierre, deux voies du noir de Haute Piere

Cette fois, c'est sur le circuit noir de Haute Pierre, le secteur ouvert pour le Festival d'escalade Oh my Bloc de Milly (2ème édition ce week-end) que vous invite pour découvrir les numéros 18 et 19. Le premier est une traversée au ras du sol qui pompe un peu les bras et dont la principale difficulté réside dans les derniers mètres avec un virage un peu retord. C'est la Traversée de la Sous Pierre, 6c+. Le second est un bel exemple de rétablissement bleausard : la Basse Pierre, 6B et t le tout forme la Traversée de la Basse Pierre pour un 7a bien sympathique.

C'est en contre-bas du bloc sommitale de Haute Pierre et à l'ombre l'après-midi. Idéal pour s'muser en petit groupe ! Merci à Sandrine, Tony, Xav', et Ivan pour ce bon moment.



















Mieux vaut avoir un peu de souplesse et de petites jambe pour le rétablissement.



 

lundi 5 juin 2023

[Fiche de bloc] Les arquées du Pic cendré sur le circuit rouge de Haute Pierre

Le petit site de Haute Pierre, dans les bois de Milly-la-Forêt (Essonne) est équipé depuis l'an dernier de plusieurs circuits d'escalade suite au Festival Oh My Bloc (lien externe) dont un circuit rouge aussi court que teigneux. C'est dans un couloir, non loin du sommet du pignon, au numéro 16 du circuit rouge, que se cache le départ assis du Pic cendré, un 6B retord. Doigts fragiles s'abstenir ! Un des beaux blocs à découvrir le week-end prochain lors de la seconde édition du festival !






Voilà des arquées bleausardes qui ne vous arracheront pas que des sourires 







Merci notamment à Ivan et Nicolas qui se sont prêtés au jeu de la torture du photographe...






lundi 15 mai 2023

[FICHE ESPECE] Monsieur et Madame Martin Pêcheur s'accouplent au-dessus de l'eau près de Melun

Couple de Martin-pêcheur d'Europe

J’ai enfin pu photographier le Martin pêcheur d’Europe dans un petit ENS péri-urbain proche de Melun où j’avais repéré la présence de l’oiseau sans pouvoir le photographier. C'est en général à son cri perçant qu'on est averti de sa présence et le plus souvent, ce qu'on voit de l'oiseau, c'est une flèche bleue qui file à toute vitesse au ras de l'eau et malgré ses couleurs vives, il n'est pas facile non plus de le repérer dans la végétation. En revanche, quand on sait où il se trouve, il suffit d'attendre pour observer son activité car l’animal est territorial et fidèle à ses perchoirs. Profitant de quelques congés, j’ai donc ressorti mon vieux boitier Canon EOS 500 et un non moins vieux 75-300 mm (voir en bas de cet article à propos de la photographie animalière). Alors, je savais que les images ne seraient pas terribles mais comme j’ai eu la chance d’assister à la reproduction du couple, il y a quelques jours je les partage !


La flèche bleu...quand tu n'as pas
 le temps de faire la mise au point

La famille des martins pêcheurs, les Alcédinidés, est forte de 19 genres et 116 espèces, présente sur tous les continents. La taille des martins va de celle d'un moineau à celle d'une corneille. La majorité d'entre eux fréquentent bien sûr les milieux aquatiques et leurs abords et leur plumage est souvent vivement coloré. La très petite taille de leurs pattes aux doigts partiellement soudés leur interdit la marche au sol. Ils sont dotés d’un bec en  forme de dague typique des piscivores, redoutable pour la capture des proies. Tous sont en effet carnivores, et cavernicoles pour la reproduction. La majorité d'entre eux creusent leur nid avec leur bec dans un substrat meuble. Le nombre d’œufs est élevé (une dizaine). Étant donné leurs exigences écologiques, il n'est pas étonnant qu'un bon tiers d'entre eux soient classés dans les espèces ayant un problème de conservation. Ce n’est heureusement pas le cas du notre.

Le Martin-pêcheur d'Europe (Alcedo atthis) porte mal son nom car il est présent sur l'ensemble de l'Eurasie, de l'Atlantique au Pacifique. Seule la sous-espèce "ispida" n'occupe que l'Europe. Elle est absente d'Islande, rare dans le nord des Îles britanniques. Les populations des régions continentales du nord sont migratrices et celles de l'ouest vont hiverner autour du bassin méditerranéen et du Golfe persique alors que celles de l'est rejoignent les populations sédentaires du sud du continent asiatique. 

Le Martin-pêcheur d'Europe vit au bord de l'eau aussi bien stagnante que courante pourvu qu'elle soit triche en petits poissons et suffisamment claire pour qu'il puisse y pêcher efficacement. Il lui faut également de la végétation et des perchoirs sur lesquels il puisse se tenir à l'affût de ses proies, même si occasionnellement il peut pratiquer un vol stationnaire de repérage. Le milieu peut donc être naturel ou alors complètement artificiel. Ainsi, de nombreuses ballastières résultant de l'extraction de granulats, recolonisées par la végétation et empoissonnées, constituent de nouveaux territoires pour l'espèce.

L'espèce n'est pas menacée mais on peut quand même imaginer qu'avec une empreinte humaine toujours plus grande, la destruction des zones humides et l'artificialisation des berges, un certain nombre de populations seront localement en déclin sur le long terme.

En effet, c'est une espèce sensible aux conditions de son environnement. La pollution croissante des rivières associée à une pluviométrie déficitaire a un impact négatif sur la ressource en poissons, sa nourriture majoritaire. Par ailleurs, tous les aménagements qui affectent la naturalité des berges réduises le nombre de sites de nidification. Il y a fort à parier que les sécheresses à répétition dans le sud de la France par exemple auront rapidement un impact sur leur population.

Couple de Martin-pêcheur d'Europe près de Melun

Le Martin-pêcheur d'Europe est donc ce petit alcédinidé au plumage bleu et roux d'une quinzaine de centimètres. Le dimorphisme sexuel est faible donc distinguer la femelle n’est pas toujours évident. Heureusement, en période de reproduction, un indice ne trompe pas : le bec ! En effet, les adultes ont l'ensemble des parties supérieures bleues et d'un bleu particulièrement vif du manteau aux sus-caudales. Les scapulaires et les couvertures alaires sont plus sombres, nuancées de vert et ponctuées de bleu clair. Les parties inférieures sont d'un roux vif à l'exception de la gorge blanche à crème. En période nuptiale, le bec est entièrement noir chez le mâle adulte et noir avec la base de la mandibule inférieure orange chez la femelle adulte. Le juvénile est globalement plus terne, avec un bec noirâtre à pointe blanchâtre et des pattes rosâtres.

Monsieur Martin-pêcheur d'Europe (droite) répond aux appels de Madame (gauche) ENS près de Melun, Seine et Marne
Monsieur Martin-pêcheur d'Europe (droite) répond aux appels de Madame (gauche)
ENS près de Melun, Seine et Marne

Le cri habituel du Martin-pêcheur d'Europe, ou tout au moins celui qu'on entend le mieux et le plus fréquemment est un "siii" long et puissant. C'est par ce cri que l'oiseau s'annonce quand il survole la surface de l'eau. Mais son chant est une succession de sifflements stridents de fréquence un peu variable. Et un "tri tri tri tri tri..." aigu et vibré est utilisé pour repousser un intrus.

Pour la reproduction, le martin-pêcheur doit avoir à sa disposition des "fronts de taille" facilement accessibles, assez fréquents le long des eaux vives, dans lesquels il pourra creuser du bec le tunnel de nidification horizontal qu'il élargira à son extrémité pour accueillir le nid. Le substrat doit être favorable au creusement donc ni trop friable pour tenir dans le temps, ni trop caillouteux. Un mélange sablo-limoneux est donc idéal. 

Dans mon ENS de l'agglomération de Melun, une seule berge de la Seine semble présenter toutes les conditions favorable à la nidification cavernicole typique de l'espèce et deux trous attestent d'anciennes nidifications. Hélas, cette berge est très facilement accessible tant aux promeneurs qu'à leurs chiens alors qu'un simple grillage permettrait de protéger efficacement cet espace. Il faudrait aussi dégager deux mètres de la végétation envahissante pour permettre le creusement de nouveaux nids. Quand on connaît un site de nidification, les observations sont plutôt faciles mais nécessite de se fondre dans l'environnement, par exemple grâce à un filet de camouflage, car l'oiseau est farouche. Ici, il semble qu'à force d'être dérangé, le couple se soit installé ailleurs.

Si le long des cours d'eau, le martin-pêcheur trouve généralement le gite et le couvert, ce n'est pas toujours le cas pour les plans d'eau dont les berges sont plus douces. Il peut donc y avoir distanciation entre les zones de pêche et le site de nidification. En effet, notre martin-pêcheur est capable de trouver un site terrestre favorable à la nidification jusqu'à plusieurs centaines de mètres du plan d'eau et son territoire peut s'étendre sur près de 3,5 km.

Avec ses mouvements vifs et ses nombreux cris, on devine que l'oiseau est plutôt agressif avec ses congénères et prompt à défendre son territoire contre les intrus. Il faut, dire que dans les meilleurs secteurs, la densité de martin-pêcheurs peut atteindre 6 à 8 couples au km linéaire de cours d'eau ! 


Le nid est creusé dans la berge de la Seine où le substrat présente la bonne densité
Le nid est creusé dans la berge de la Seine où le substrat présente la bonne densité

Si les hivers sont assez doux, les populations deviennent sédentaires et restent toute l'année sur le même spot. Ce sont alors les jeunes de l'année qui assureront la dispersion de l'espèce et le brassage de la population. En revanche, pour les populations soumises à un climat continental à hivers froids, la migration est de rigueur. Les zones d'hivernage sont distinctes des zones de nidification et les trajets migratoires peuvent atteindre plusieurs milliers de km bien que l'espèce ne soit pas taillée pour les longs vols. À cette saison, ces martins-pêcheurs sont volontiers côtiers et fréquentent les littoraux rocheux, les estuaires, les lagunes, les ports, les mangroves, etc. Assuré par des ailes courtes et arrondies à grande fréquence de battements, le vol du Martin-pêcheur d'Europe est très rapide. Ce qui est étonnant avec des ailes pareilles, c'est que le martin-pêcheur puisse être migrateur. Du coup, sa migration ne peut être une migration d'altitude, il procède donc par courtes étapes.

Reproduction du couple de Martin-pêcheur d'Europe 
ENS près de Melun, Seine et Marne

Reproduction du couple de Martin-pêcheur d'Europe  ENS près de Melun, Seine et Marne

Le Martin pêche à l'affût. Posté sur une branche au-dessus de l'eau, lorsqu'un poisson est repéré, il quitte son perchoir et vient percuter le surface pour se saisir du poisson. L'essentiel de son menu est composé de petits poissons de toutes sortes, vairons, vandoises, rotengles et gardons, truitelles, etc, dès lors que leur taille n'excède pas 12 cm. Les poissons constituent au moins 60% du régime, le reste étant assuré par les amphibiens (petits anoures ou têtards) et quelques grosses bestioles aquatiques (dytiques, larves d'Odonates, crustacés, etc.) Il pratique parfois la pêche en vol stationnaire. et plonge le plus souvent d'un vol oblique et rapide en rabattant les ailes vers l'arrière au moment de l'impact avec la surface. Il refait surface presque instantanément s'appuyant dans l'eau d'un coup d'ailes puissant et regagne son perchoir. On peut aussi noter que la morphologie de ses ailes permet également au martin-pêcheur de nager brièvement sous l'eau. Si la proie est petite, elle est avalée directement tête la première. En revanche, une proie de grande taille est tenue du bec et assommée à grands coups portés contre le support puis avalée inerte. Après digestion, le martin-pêcheur rejette par la bouche la partie indigeste de ses proies (écailles, os) sous forme de petites pelotes de régurgitation blanches ou grises.


Une fois son affaire faite Monsieur Martin-pêcheur d'Europe (gauche) laisse Madame (droite)
ENS près de Melun, Seine et Marne


La période de reproduction varie suivant les localités. En Europe, elle est printanière et estivale (mars à juillet). L'espèce est en principe monogame et le couple élève souvent deux nichées successives. La nidification débute par des parades nuptiales qui comportent de bruyantes poursuites aériennes, les deux partenaires volant tantôt au ras de la surface de l'eau, tantôt au-dessus de la cime des arbres riverains, mais toujours dans des endroits dégagés. Ils paradent ensuite sur un perchoir, alternant accroupissements et étirements, basculements du corps de gauche à droite, le tout ponctué de cris divers sifflés et roulés. Les préliminaires peuvent durer de longues heures, voire plusieurs jours, jusqu'au choix par la femelle du site de nidification parmi tous ceux que le mâle lui propose. L'alliance est conclue lorsque la femelle accepte le poisson que lui offre le mâle. Ce dernier se tient devant elle, courbé en avant, cou tendu et ailes tombantes, le bec tenant le poisson présenté par la tête. À partir de ce moment le mâle nourrira sa partenaire de façon à ce qu'elle se consacre entièrement à la reproduction.

Comme je l'ai déjà indiqué, le Martin-pêcheur d'Europe est cavernicole et niche dans une loge située dans la berge. Si aucun terrier préexistant n'est disponible, le couple devra en creuser un avec le bec, les pattes servant à évacuer la terre ce qui lui demande 1 à 2 semaines de travail. Le plus souvent, le tunnel est creusé le plus haut possible dans la berge pour éviter les inondations et classiquement à moins de 50 cm du niveau du sol sus-jacent. Légèrement montant, il est de longueur très variable mais fait souvent plus d'un mètre de long pour un diamètre de 5 à 7 cm. Au bout du tunnel, la chambre de nidification mesure environ 10 cm de largeur et de hauteur pour 15cm de profondeur.

La femelle y pond en moyenne six ou sept œufs que les adultes vont couver à tour de rôle le jour, la femelle seule la nuit. L'incubation dure environ 3 semaines. Les poussins, nus et aveugles sont nourris de minuscules poissons et après une dizaine de jours, ils peuvent déjà avaler des poissons de plus de 3 cm. Mangeant environ leur poids de poissons chaque jour, les jeunes grandissent vite et sont aptes à quitter le nid à l'âge de 4 semaines environ. Ils restent groupés dans le voisinage du nid et effectuent leurs premiers plongeons quelques jours après leur sortie. Souvent à ce moment, la femelle est déjà investie dans une seconde reproduction et c'est le mâle qui assure l'éducation des jeunes. Comme le premier nid est souillé par les déjections des jeunes et les pelotes de régurgitation, c'est dans nouvelle cavité qu'à lieu la seconde couvaison. Il est donc impératif de préserver ces berges. Amis de Seine et Marne Environnement et du Département, si vous pouviez faire quelques travaux sur cette ENS, ce serait top et je suis à votre disposition si besoin.

Un deuxième nid est creusé dans la berge de la Seine à 1 m du premier




jeudi 11 mai 2023

[FICHE ESPECES] Bergeronnette des ruisseaux et bergeronnette grise dans les zones humides du Pays de Fontainebleau

Il est temps pour moi de reprendre un peu plus régulièrement mes publications sur mon blog tant pour l'escalade que pour les fiches espèces. Une fois n'est pas coutume, cette fiche sera consacrée à deux espèces d'oiseaux  ! En effet, je me suis peu investi ces dernières années dans l'animalier et l'ornithologie faute de temps et de matériel mais profitant de quelques congés pour explorer les rivières du Pays de Fontainebleau, j'ai fait quelques belles rencontres que je me devais de vous partager. Alors commençons pas les bergeronnettes.

Les Bergeronnettes


Les milieux humides au cœur de la forêt de Fontainebleau sont assez peu nombreux, fragiles et parfois éphémères. Pour autant, ils restent indispensables à certains oiseaux. En périphérie et jusqu'à la Seine, de nombreux rus, ruisseaux et rivières permettent à certaines espèces de s'épanouir dans le Pays de Fontainebleau. Ainsi, en suivant le Ru de la Mare aux Evées j'ai rencontré la très commune Bergeronnette grise (Motacilla alba) mais aussi l'étincelante Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla Cinerea) !

Treize espèces de bergeronnettes constituent le genre Motacilla (ordre des Passeriformes) qui doit son appellation commune au diminutif de bergère parce qu'il se plaît au milieu des troupeaux. Les Motacillidés sont donc des passereaux de taille moyenne (11 à 24 cm), à longue queue et à longues pattes. Les Bergeronnettes se repèrent assez facilement sur une branche ou au sol car elle ont tendance à se déplacer avec des mouvements très saccadés. Elles piètent, c'est-à-dire qu'elles marchent, une patte devant l'autre, avec de brusques mouvements de la tête et de queue. Elles sont donc parfois appelées hochequeues.  Nos deux espèces du jour aiment tout particulièrement les zones humides où on peut assez souvent les voir courir à la poursuite d'insectes. Elles sont largement répandues sur la planète, y compris en altitude et ne sont donc pas menacées. 

Bergeronnette grise (Motacilla alba)

Bergeronnette grise (Motacilla alba), ENS Malécot, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette grise (Motacilla alba), femelle, ENS Malécot, Pays de Fontainebleau


La Bergeronnette grise occupe une large gamme d'habitats ouverts, aussi bien secs que humides, mais se rencontre généralement non loin d'un point d'eau. La condition principale est que l'espace soit bien dégagé, avec un accès facile au sol où se passe l'essentiel de son activité. C'est pourquoi elle apprécie les milieux agricoles, les abords dégagés des plans d'eau, les pelouses urbaines, les terrains vagues industriels, etc. Avec sa silhouette fine, sa longue queue agitée et sa tête noire et blanche, la Bergeronnette grise attire rapidement l'attention dans les paysages dégagés qu'elle fréquente systématiquement, surtout qu'elle n'est pas vraiment farouche. Avant que l'Homme ne lui procure en abondance les anfractuosités nécessaires à la construction des nids, elle devait en trouver essentiellement le long des berges érodées, d'où probablement sa relation à l'eau.
La Bergeronnette grise est insectivore au sens large et se nourrit de toutes sortes de petits invertébrés dont la nature varie suivant l'endroit où elle se nourrit.

Bergeronnette grise (Motacilla alba), ENS Malécot, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette grise (Motacilla alba), femelle, ENS Malécot, Pays de Fontainebleau

Les études ont montré que les diptères (mouches, etc.) étaient toujours majoritaires dans son régime car souvent naturellement abondants dans les sites qu'elle fréquente. Elle use de trois méthodes pour s'alimenter. Elle chasse tout en marchant, au sol que l'insecte soit sur terre ou sur la végétation flottante mais elle peut aussi fondre sur sa proie d'une accélération rapide. Enfin, elle peut capturer des insectes en plein vol. Avalées d'un seul coup, car ce sont en général des insectes de petite taille, les proies des Bergeronnettes, si elles sont trop grosse seront frappées sur une pierre ou au sol avant d'être consommées. Opportuniste, la Bergeronnette grise peut se nourrir dans les décharges, tas de compost, voir cadavres d'animaux qui attirent les mouches.

La saison de nidification de la Bergeronnette grise s'étale d'avril à juillet mais le calendrier varie suivant la latitude. Sous des cieux tempérés, les couples ont le temps de mener à bien deux nichées. Plusieurs mâles peuvent se quereller avec force gesticulations pour la même femelle, mais c'est cette dernière qui a le dernier mot. Puis surviennent les accouplements au bout de quelques jours de vie commune.
La nidification suivra sans délai. La Bergeronnette grise fait son nid dans une anfractuosité et ce dans des contextes très variés. Constitué d'éléments végétaux variés (brindilles, herbes, fibres diverses, radicelles, mousse), il est garni de poils, de laine et de plumes. La femelle pond cinq ou six œufs gris-bleu, tachetés de brun. L'incubation dure une quinzaine de jours, assurée majoritairement par la femelle. Les jeunes, couvés par la femelle durant les cinq premiers jours, sont nourris par les deux adultes. Ils quittent le nid au bout de deux semaines. Le couple se partage ensuite la fratrie qui sera encore sous sa dépendance une quinzaine de jours, mais la femelle peut entamer une seconde reproduction avant même que la première nichée soit émancipée.

Bergeronnette grise (Motacilla alba), ENS Malécot, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette grise (Motacilla alba), femelle, ENS Malécot, Pays de Fontainebleau



Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla Cinerea)


La Bergeronnette des ruisseaux est très dépendante de l'eau. En effet, c'est au bord de l'eau et même en eau peu profonde qu'elle cherche sa nourriture. Tous les cours d'eau sont susceptibles de l'héberger, mais elle a quand même une nette préférence pour les eaux agitées, où elle se nourrit sur l'écotone eau-terre en puisant dans les deux milieux. Insectivore, elle se nourrit principalement d'insectes à larves aquatiques mais capture aussi des gammares, crustacés amphipodes, et de petits mollusques. Pour cela, elle déambule en eau peu profonde.

Bergeronnette grise (Motacilla Cinerea), Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla Cinerea), femelle, Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau

La Bergeronnette Cinerea est monogame et fortement territoriale. Le mâle défend vivement son territoire par son chant et le vol territorial associé du fait de la rareté de la ressource. Il se tient penché ailes et queue ouvertes et basses, exhibant les plumes jaunes ébouriffées de son croupion à titre de signal visuel. Le cri émis en vol est un "tjip" sonore et résonnant, souvent doublé en "tjitip", et l'oiseau n'en est pas avare. Le chant consiste en la répétition de notes aiguës, très sonores, souvent émises par séries de 3 à 5. La puissance et la fréquence de la voix permettent au chanteur d'être entendu malgré les bruits de chute ou d'écoulements d'eau.

Elle peut se trouver aussi bien en milieu ouvert qu'en forêt. On peut même la trouver en agglomération lorsqu'un cours d'eau traverse un parc et l'altitude importe peu puisque certaines ont été observées nichant à  à plus de 4 000 m dans l'Himalaya. Les oiseaux sédentaires occupent leur territoire toute l'année, mais sous climat continental à hivers froids, les bergeronnettes vont hiverner plus au sud au bord des eaux douces ou marines ainsi que dans tous les milieux inondés. Les oiseaux nichant en altitude descendent vers la plaine avant l'hiver. La saison de reproduction de la Bergeronnette des ruisseaux s'étend de mars à août. En Europe de l'Ouest, la nidification elle-même débute en avril et sera parfois suivi une seconde nichée. La femelle pond 3 à 7 œufs que les parents couvent durant 12 à 14 jours. Les petits sont nourrit au nid pendant 12 à 13 jours encore et les juvéniles s'émancipent 2 à 3 semaines après l'envol.

Bergeronnette grise (Motacilla Cinerea), Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla Cinerea) femelle, Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau

Pour la nidification, elle a besoin d'un milieu rocheux où construire son nid. À l'origine, ce devait être assez systématiquement un pan rocheux naturel présentant des irrégularités comme des fissures, mais de nos jours, l'Homme lui fournit de nombreux sites de nidification artificiels (ponts, moulins, etc.). Le nid est le plus souvent caché à la vue par une touffe d'herbe, mais il suffit souvent de se placer sur un pont et d'observer le cours d'eau pour découvrir la Bergeronnette des ruisseaux d'autant que le jaune se détache assez bien sur son environnement et que la Bergeronnette des ruisseaux a toutes les caractéristiques comportementales du Hochequeue !

La Bergeronnette des ruisseaux présente un dimorphisme sexuel. Le mâle nuptial se reconnait tout de suite à sa bavette noire. La tête est gris-cendre. L'œil sombre possède deux arcs oculaires blancs dessus et dessous. Deux larges moustaches blanches bordent la bavette noire. En hiver, le mâle perd cette bavette et ressemble alors plus à une femelle, mais reste plus jaune dessous. La queue est très longue, noire au centre, avec 3 paires de rectrices externes blanches bien visibles au vol également. Les pattes sont rosâtres à brunâtres.
Bergeronnette grise (Motacilla Cinerea), Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla Cinerea), mâle, Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau

La femelle nuptiale ressemble au mâle, mais n'a pas de bavette noire. En hiver, ses parties inférieures sont nettement moins jaunes, excepté au niveau des sous-caudales. Les flancs sont blanchâtres. Le juvénile ressemble à une femelle pâle. Le gris du dessus est légèrement nuancé d'olive. Le dessous est blanchâtre avec souvent la poitrine crème à saumon pâle. Critère spécifique, le jaune est confiné aux sous-caudales.
Bergeronnette grise (Motacilla Cinerea), Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla Cinerea), femelle, Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau

On avance la possibilité de confusion entre la Bergeronnette des ruisseaux et la printanière. À mon avis, quand on voit bien les oiseaux, cela ne vaut que pour les juvéniles, et encore. Le manteau, le dos et une partie des couvertures sont gris chez notre Bergeronnette alors que la printanière est plus brune, avec un sourcil plus net, mais surtout est complètement dépourvue de jaune et avec une queue nettement plus courte.

Voilà pour cette reprise des Fiches Espèce et ce nouvel article Ornitho du Pays de Fontainebleau. Dites-moi si vous croisez ces charmantes Bergeronnettes près de chez-vous en commentaire !

La photographie animalière et ornithologique.


Un petit mot pour terminer cet article sur le matériel et le respect de la faune me semble nécessaire. Je ne suis pas photographe animalier ou naturaliste comme bon nombre de mes confrères et consœurs de la région. C'est à dire que je ne suis pas spécialement équipé pour ce type d'image, que je n'affûte pas et que je ne me réveille pas avant l'aurore pour traquer les bêtes - ils, elles, le font beaucoup mieux que moi !- Mes images sont donc prises au hasard de mes billebaudes. Pour autant, je prends toutes les précautions nécessaires pour ne pas déranger les animaux (j'évolue en silence et contre le vent) mais surtout je ne m'approche jamais des petits ou des nids. Si par hasard je vois une mère fuir un nid à cause de ma présence, je ne m'attarde pas sur place pour qu'elle puisse revenir très rapidement. En cette période de naissance, il est primordiale de respecter la tranquillité des animaux. En cas de rencontre avec un petit, ne le touchez pas ! Son isolement n'est pas synonyme d'abandon mais s'il vous prenez l'envie de le caresser, vous le condamneriez à une mort certaine. C'est aussi vrai pour de nombreux oiseaux qui, même tombés du nid, peuvent être élevés au sol par les parents. 

A 15 mètres avec un 100 mm plein format, une bergeronnette d'une dizaine de centimètres de dos
reste peu visible sur une image. Avec un gros recadrage, un tirage en 15 X 20 cm sera le
maximum possible pour ce type de photographie...



Matos photographique


Si vous aimez la nature et la photographie, vous avez sans doute déjà essayé au moins une fois de photographier un oiseau. Vous aurez alors compris que ce n’est pas la chose la plus facile à faire… Ils sont petits, rapides et fuyards ! Bref, on les entend beaucoup plus que l'on ne les voit. Donc, il faut, pour réussir ses images un appareil photographique un peu performant mais surtout, un téléobjectif d'au moins 200 mm. Et c'est un minimum. Notez que si  votre boîtier n’est pas un plein format mais un capteur APS-C, alors, bonne nouvelle, votre 200 devient un 300 mm (car il faut en moyenne multiplier par 1,5 pour obtenir l’équivalence de focale en 24x36mm par rapport au capteur). Dans l’idéal, il vous faudra un objectif lumineux, c'est à dire qui peut ouvrir à grande ouverture (le plus petit chiffre possible après le f). Par exemple dans mon cas, je peux utiliser mon 70-200mm et ouvrir mon diaphragme jusqu’à f/2.8, ce qui est une grande ouverture. Le problème, c’est que ce type d’objectifs coûte cher. Enfin, de manière générale, pour figer le vol d'un Martin pêcheur,  vous devrez pouvoir atteindre au minimum le 1/800 de secondes ce qui est faisable facilement avec ce type d'objectif même en cas de faible lumière mais devient plus problématique avec des cailloux ouvrant à partir de f5,6. Et ce d'autant que  nos micromouvements (mains, déclenchement, respiration...) sont amplifiés par les téléobjectifs s'ils ne sont pas stabilisés. Il faut donc des vitesses rapides pour obtenir des photos bien nettes et jamais inférieures à la focale (1/300 pour un 300 mm, etc.). 

Mais rassurez-vous, si vous ne pouvez pas vous offrir un tel cailloux pour le moment, ce n’est pas grave ! Toutes les images de cet article et des prochains ont été réalisé avec du vieux matériel dont les performances sont très limitées par rapport à ce qui se fait aujourd'hui.  En effet, j'ai un vieux zoom 100-300 mm f5,6 Canon d'entrée de gamme qui, monté sur un vieil EOS500, me dépanne. Les images manquent de netteté à 300 mm notamment au-delà de 30 mètres mais il fait le job si on reste à moins de 15 m de la cible ! Comme le boîtier est lui aussi très vieux, l'auto-focus et le moteur de l'objectif ont parfois bien du mal à faire une mise au point correcte et, avec un ouverture de 6,3 pour 800 ISO, la moindre vibration se ressent sur l'image. Comme il faisait souvent sombre ces derniers jours, j'ai souvent été un peu trop juste en vitesse.

Même à moins de 10, dans un sous bois sombre, une bergeronnette des ruisseaux nécessite un
matériel photographique un peu couteux ou au moins récent pour être exploitable



Les oiseaux sont des animaux sauvages, donc par essence ils sont méfiants et craintifs. Pire, ils ont une très bonne vue ! Il vous faudra donc vous déplacer de manière discrète et surtout lentement, pour ne pas effrayer l’animal qui vous observe. Parfois, il vous faudra carrément stopper tout mouvement pendant de longues minutes, afin que l’animal se rassure et vous oublie (un peu). J'ai traqué un couple de héron et un couple Martin pêcheur (images prochainement) mais ces oiseaux ont une vue extraordinaire et vous repèrent de très loin ! Anticipez vos réglages en faisant une ou deux images à vide pour vérifier l'exposition car il faudra de la réactivité pour ne pas rater une scène qui ne durera souvent que quelques secondes.

Bref, aujourd’hui, un amateur pourra très bien commencer la photographie animalière avec un boîtier à « petit » capteur (APS-C) de milieu de gamme autour des 1000 €, qui lui offrira des performances tout-à-fait honorables, comparées aux boîtiers « pro » d’il y a 10 ans. Il faudra juste beaucoup de patience pour approcher les oiseaux avec un 100 mm. 


vendredi 5 mai 2023

[AGENDA] Mes prochaines expositions !

 

La saison des expositions photos a débuté et pour moi, elle sera pleine de nouveautés ! 

Pour commencer, cette année, j’expose à Milly la Forêt (Essonne) et en extérieur. Répondant  à l’appel de la ville de Milly et des organisateurs du Festival d’escalade Oh my bloc (du 9 au 11 juin), j’exposerai 5 photographies d’escalade à Bleau en très grand format (180X120cm) aux côtés de 3 autres photographes talentueux de la forêt. 

Pour cette exposition qui se tiendra du 22 mai au 9 juillet 2023 dans le Parc du Moustier, j’ai choisi de vous proposer uniquement du noir et blanc et de la photographie d’escalade en format paysage. Ainsi, nos 4 regards devraient bien se compléter et refléter la diversité de la pratique de la photographie d’escalade. En effet, Andy Day vous proposera des images de type reportage, Xavier Raynal, des photos colorées de grimpeurs et grimpeuses et Arthur Delicque, sa douce mise en lumière de très forts grimpeurs dans des blocs extrêmes et de haut vol. 

Rénové en 2019, le superbe parc du Moustier est ouvert de 8h à 20h sur cette période de l’année et il est gratuit ! C’est situé juste derrière l’Office de Tourisme de Milly à quelques mètres de la Halle.

Ensuite, comme vous avez déjà pu le constater, la 5ème saison de PhotoBleau ne se tiendra pas en marge des Naturiales. C’est triste car vous étiez très nombreux à venir nous voir lors de ce RDV. L’occasion pour moi de rappeler que si les artistes que nous sommes prennent un immense plaisir à créer et exposer, cela nous coûte plus que cela nous rapporte ! Outre les matériaux nécessaires à nos créations, la très grande majorité des salles d’exposition – pourtant souvent subventionnées au titre de la culture – réclame des sommes colossales pour leur location. De 450€ à 1700 € le week-end ! Alors si en plus, il nous est interdit d’y vendre nos œuvres… 

Mais comme on ne baisse pas les bras facilement, nous avons lancé avec notre collectif Artmosphère IDF  « La Collection », une sélection d’œuvres de plusieurs artistes locaux à destination des municipalités et agglomérations pour faire connaître la diversité des talents du Pays de Fontainebleau et ses environs. Et c’est donc à Fontainebleau encore, qu’ArtMosphère exposera une petite sélection de sa Collection d’artistes à la Charité Royale de Fontainebleau du 21 juin au 25 juin 2023. Une première pour moi et mes collègues. La Charité Royale est un espace culturel situé au sein de la Médiathèque municipale  inauguré en septembre 2019. C'est pas très loin des lieux où nous exposions jusqu'ici puisque c'est au 15 rue Royale ! 

Ensuite, si je trouve le temps, je devrai sans doute exposer à la Salle Hippolyte Bayard quelques-unes de mes photographies de rue issues de mon challenge quotidien, pour répondre à la demande insistante de quelques consœurs et confrères des clubs photo. Si cela se confirme, je reviendrai vers vous pour les détails. J’ai aussi plusieurs projets sur Melun et Dammarie-les-Lys pour la rentrée.

Enfin, j’ai l’honneur d’inaugurer deux espaces d’exposition « corporate » au sein du grand magasin parisien du Printemps Haussmann. Une exposition privée et donc réservée aux collaborateurs du Printemps mais promis, je vous ferai une photographie !


mardi 7 mars 2023

Connaissez-vous les plus étranges gravures rupestres de Fontainebleau, celles du style HMM ?

J'ai déjà évoqué très longuement les gravures rupestres préhistoriques de la forêt de Fontainebleau et des Trois Pignons qui comptent parmi les plus nombreuses d'Europe mais aussi parmi les plus énigmatiques. Aux très classiques sillons et autres quadrillages, il faut ajouter depuis une dizaine d'années, un nouveau corpus de gravures encore plus ésotériques, celles très figuratives du style HMM. Un ensemble de plus d'une centaine de panneaux mystérieux, souvent très difficiles à observer, et qui n'a rien à envier aux pétroglyphes Anasazis ou Aborigènes. En effet, un important ensemble de gravures d'un style très particulier a été identifié fin 2014 par des prospections conduites principalement par Pierre Bouillot, Philippe Boyer, Patrick Kluska et Richard Lebon en forêt domaniale de Fontainebleau à l'occasion d'une révision de l'inventaire des sites rupestres réalisé par le GERSAR (Groupe d'études, de recherches et de sauvegarde de l'art rupestre). Comme les autres gravures rupestres de Fontainebleau, elles ont été réalisées pour la plupart à l'intérieur de petites cavités rocheuses mais s'en distinguent par un style unique. De nouvelles prospections effectuées en 2018 ont amené à la découverte de 27 autres compositions gravées.

Gravures rupestres de Fontainebleau de type Haut Mont Malmontagne
Gravures rupestres de Fontainebleau de type Haut Mont Malmontagne


Le style HMM se caractérise par des gravures très fines et peu profondes dont les éléments forment des compositions parfois très denses et soigneusement réalisées. Plus encore que les traditionnelles gravures rupestres de Fontainebleau, il convient d'insister sur le caractère non ostentatoire de ces gravures HMM, principalement réalisées dans des cavités exiguës. Elles sont donc souvent très peu visibles depuis l'extérieur. On y retrouve de nombreux signes géométriques, des représentations stylistiques humaines et animales et de nombreuses créatures fantastiques. Parmi les éléments les plus remarquables, on observe des svastikas, des croix présentant des pointes entre les branches, des triangles marqués d'une cupule au centre, des peignes opposés séparés par des cupules, des figures en forme de roue ou évoquant le soleil, des travois (système simple de transport avec des perches ancêtres des charrues) avec attelage, des représentations de cervidés, d'oiseaux, de serpents, de personnages à tête représentés par une cupule, des créatures féminines à tête en demi-lune et corps quadrillé et de créatures masculines à tête triangulaire dont certaines tenant un sistre… Plusieurs personnages sont munis d'un objet en forme de bâton sur lequel sont fixés des éléments qui font penser à un sceptre. Enfin, on notera aussi qu'aucun attribut guerrier indiscutable, tel qu'épée, poignard, lance ou bouclier, n'apparaît dans ce groupe.



Petite cavité gravée HMM
Gravures rupestres de Fontainebleau de type Haut Mont Malmontagne

Détail de la gravure HMM

et son relevé par le GERSAR

L'importance de la découverte a donc conduit à la création d'une équipe de recherche spécifique, constituée de membres du GERSAR, de la SARP (Société archéologique de la région de Puiseaux) et d' une partie du personnel du musée de Préhistoire d'Île-de-France à Nemours pour l'étude de ce groupe de gravures dont le style unique est baptisé « Haut Mont-Malmontagne » (HMM), en raison de la localisation des premières découvertes sur ces secteurs de la forêt.

L’unité du style de chaque panneau suggère que sa réalisation s’est faite en une seule fois et qu’elle est l’œuvre d’un seul graveur. A la différence des autres auvents gravés de la forêt, souvent réutilisés à travers les âges, les signes HMM sont généralement bien individualisés et ne se recouvrent pas, ce qui facilite grandement la lecture des unités graphiques. On peut même observer une certaine logique d'ensemble et de constitution de réseaux dans lesquels les éléments seraient interconnectés.
 
Cet ensemble de plus d'une centaine de panneaux montre donc une profonde originalité et on peut dire qu’il est sans équivalent connu à ce jour en Europe. Une datation des gravures à la fin de l’âge du bronze a été proposée en s’appuyant sur des similitudes avec des éléments datés mais c'est encore en discussion et leur présence dans certains secteurs ruinés par les carriers peut laisser courre à d'autres hypothèses. En tous cas, la présence de créatures serpentiformes, de signes à caractère solaire, astral, et féminin ne pourront qu’inspirer les mythologues pour d'autres interprétations dont les plus farfelues.

L’âge du bronze (-3 300 à - 1 200 av JC) est la période de la Protohistoire caractérisée par l'existence de la métallurgie du bronze, et succédant au Néolithique final. C'est donc potentiellement un des chaînons manquants entre les célèbres gravures Préhistoriques de la forêt de Fontainebleau et les vestiges Gallo-romains. En effet, un certain nombre de signes observables parmi les gravures HMM se retrouvent aussi sur des céramiques de la fin du Bronze final mises au jour dans des contrées plus méridionales, notamment dans les régions Drômoise, Centrale et Centre- Ouest de la France. Une représentation d'un sistre, un instrument de musique comportant des objets (coquilles, rondelles) qui s'entrechoquent quand on le secoue, dans une forme présentant une forte ressemblance avec le sistre en bronze mis au jour à Hochborn en Rhénanie-Palatinat, peut contribuer à renforcer cette proposition de datation. Toutefois, elles reste très sujette à caution ! 

Comment imaginer que les mêmes programmes iconographiques aient été suivis par des gens décorant des céramiques et d’autres œuvrant dans des anfractuosités rocheuses, qui plus est dans des zones géographiquement éloignées de plusieurs centaines de kilomètres ? Comme le rappelait Laurent Vallois du Gersar dans un article qu'il a publié sur le sujet, "cette hypothèse, qui est fondée essentiellement sur des analogies de répertoire entre les panneaux HMM et les céramiques décorées de la période envisagée, est exactement cela – une hypothèse – et elle n’a jamais été présentée autrement par moi et/ou mes collaborateurs. À l’heure actuelle, il est tout à fait prématuré de vouloir se prononcer pour ou contre sa validité, pour différentes raisons. Rappelons, notamment, que le phénomène HMM était inconnu au début de l’année 2014, or des abris gravés HMM contenant une iconographie remarquable ont encore été découverts très récemment (en avril 2018) : il est encore trop tôt pour considérer que l’on dispose d’un corpus stabilisé. Par ailleurs, des opérations de sondages ont été menées en 2016 27 et 2017, opérations qui demandent à être poursuivies. La réflexion sur l’attribution chronoculturelle des gravures HMM dépendra des résultats de ces sondages et de la prise en compte de corpus complets, tant céramique que rupestre"



Relevé d'un beau panneau gravé
de style HMM à Fontainebleau 

Relevé d'un beau panneau gravé
de style HMM à Fontainebleau



D'après les premières recherches et interprétations, on peut constater "qu'aux figurations humaines at animales s'ajoutent fréquemment des représentations de créatures évoquant à la fois l'humain et l'animal mais qui n'apparaissent jamais sur les céramiques du Bronze final. Les hommes de l'âge du Bronze final ont pu se mettre en scène sur les deux types de support (roche et céramique) sous l'aspect de personnages à tête formés par une cupule. En revanche, les créatures fantastiques, qui apparaissent souvent en position dominante, pourraient correspondre à des divinités dont la représentation n'avait pas sa place sur les poteries. Les gravures de style HMM peuvent être exécutées comme des représentations symboliques de constructions mythologiques améliorées ou révisées par la population dans son ensemble ou quelques-uns de ses représentants. Ces symboles vraisemblablement liés à des mythes cosmogoniques pourraient, dans le cas de certaines compositions au moins, se reporter à ces récits dont la transmission orale aurait été accompagnée d'un rapport sur la pierre de signes évocateurs apparaissant sous la forme d'une représentation codifiée".
Relevé comparatif des anthropomorphes de style HMM à Fontainebleau
Source GERSAR 

L'interprétation de ces messages vieux de plus de 3 000 ans suscite aujourd'hui plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Comment décoder sans erreurs ces éléments souvent récurrents et interdépendants ? Par exemple, le fait que toutes les représentations de cervidés sont tournées à gauche, comme pour les quadrupèdes schématiques (indéterminables) est probablement significatif. Plusieurs cervidés ont une longue queue ramifiée, ce qui suggère une volonté de ne pas représenter des animaux réels mais probablement des créatures mythologiques. On peut aussi remarquer que ces animaux ont un dos courbé ou sinueux. Enfin, d'autres cervidés sont figurés en position ascensionnelle ce qui semble là encore évoquer un culte. On note par ailleurs de nombreuses association entre des bois de cervidés et des serpentiformes. Dans cette gravure, nous voyons le cervidé se tenir face à un signe serpentiforme vertical par exemple.

Ne peut-on voir ici les prémices du culte à Cernunnos, le dieu gaulois du renouveau et des cycles naturels ? Très largement représenté dans le monde celte, son adoration était très probablement antérieure aux Gaulois et nos gravures en seraient donc peut-être un témoignage.

D'ailleurs, l'observation des nombreux personnages, laisse souvent le sentiment d’être face à tout autre chose qu’à la mise en scène d’humains ordinaires. Les êtres qui sont représentés sur ces panneaux sont des créatures qui ne sont ne sont que partiellement anthropomorphes. De fait, si des représentants de l’humanité « normale » sont bien présents sur ces panneaux, c’est toujours sous la forme de figurations humaines très simples, de très petite taille renforçant l’infériorité de leur statut par rapport aux créatures surnaturelles qui peuplent les mêmes panneaux. 

Relevé comparatif des anthropomorphes de style HMM à Fontainebleau
Source GERSAR 



A ces éléments caractéristiques du style HMM s'ajoute une profusion de symboles géométriques dont l'utilisation ne doit sans doute rien au hasard. Parmi ceux-ci, l'étude attentive des triangles est une piste intéressante car il en existe plusieurs sortes. En effet, outre les triangles classiques, on note la présence de triangles ponctués et de triangles assimilés à un pubis.

Par exemple sur la gravure que je vous présente en photographie aujourd'hui, l’unique triangle ponctué semble faire partie d’un signe plus complexe de type « lancéolé », avec une double hampe et des recoupements perpendiculaires à cette hampe double. Nombre de ces triangles ponctués servent à figurer une partie anatomique bien précise de créatures à la morphologie pour le moins déconcertante. Il s’agit d’êtres à corps filiforme sinueux ou dont le tronc est une grille, qui ont en commun d’être privés de jambes mais terminés par une queue qui elle-même se termine par un triangle ponctué. 

Anthropomorphes HMM et utilisation des triangles ponctués et pubiens
Source : GERSAR



Quant aux triangles pubiens, il est déjà présent dans l’art rupestre de Fontainebleau depuis probablement le paléolithique malgré l’absence d’un véritable contexte gravé autour de ces figures, et en particulier de représentations animalières caractéristiques de l’art pariétal (voir mes images de la Bl'Origine dont le pubis est entouré de deux chevaux en vente ici). Les triangles pubiens du corpus HMM sont  souvent intégrées à des représentations de personnages féminins avec un corps en grille ou se trouvent dans l’environnement immédiat de l’un des personnages. Il est bien évident que l’usage qui est fait des triangles pubiens dans ces compositions HMM est très différent de ce que nous avons sur les panneaux classiques. 

Voilà pour cette présentation un peu rapide des gravures de Fontainebleau du style HMM. Si leur datation s'avère exacte, ces pétroglyphes constituent un patrimoine d'une très grande valeur archéologique à préserver à tout prix. Ces étranges gravures rupestres de la forêt de Fontainebleau témoigneraient-elles de rites préceltiques ou druidiques ? Merci au GERSAR et notamment à Alain, Oleg, Laurent ainsi qu'à Cécile pour les éléments qu'ils m'ont transmis pour la rédaction de cet article !

Comme toujours, je me refuse à livrer la moindre localisation de ces gravures ici ou sur les réseaux sociaux. En cas de découverte de telles gravures, merci d'en informer le GERSAR et de taire leur localisation.

Vous pouvez retrouver toutes mes images et articles sur le sujet en suivant le tag : Gravures rupestres

Bibliographie :

BÉNARD ALAIN (2017) – Les abris ornés des VH (Forêt domaniale de Fontainebleau). Art rupestre (bulletin du GERSAR no 71), pp. 3-10. 
LEBON RICHARD, SIMONIN DANIEL & VALOIS LAURENT (2017) - Un important corpus de gravures rupestres de style inhabituel récemment découvert dans le massif de Fontainebleau. Bulletin de l’APRAB n o 15, pp. 61-71. 
LEBON RICHARD, SIMONIN DANIEL & VALOIS LAURENT (2018) – Des dépôts de pierres gravées relevant du style Haut Mont-Malmontagne dans le massif de Fontainebleau. Bulletin de l’APRAB n o 16, pp. 64-76. 
VALOIS LAURENT (2015) – La question des triangles pubiens dans l’art rupestre de Fontainebleau (1e partie). Art rupestre (bulletin du GERSAR) no 67, pp. 15-38. 
VALOIS LAURENT (2016) - La question des triangles pubiens dans l’art rupestre de Fontainebleau (2e partie). Art rupestre (bulletin du GERSAR) no 68, pp. 11-39. 

Et les articles de VALOIS LAURENT publiés sur le sujet dans les bulletins du GERSAR n o 70, pp. 13-28 ; no 70, pp. 29-34 et no 72 de juin 2018