lundi 12 février 2018

Fontainebleau sous la neige ou les alpes suisses à Paris !

Du 06 au 10 janvier 2018, l'Ile de France et donc la forêt domaniale de Fontainebleau était sous la neige...Oh, pas beaucoup. 15 à 20 cm seulement. Mais il n'en faut pas beaucoup plus pour transformer les 25 bosses, pignons et autres Gorges de Franchard ou d'Apremont en montagne pour parisiens ! Rien d'exceptionnel, l'histoire de cette forêt a vu bien des hivers rigoureux mais c'est pour moi l'occasion de vous citer quelques extraits littéraires tirés de mon manuscrit "10 000 ans d'histoire, un siècle d'escalade", désormais remisé...
 
 Bien avant que les grimpeurs ne se l'approprient, la forêt fut mise à la mode par une poignée d'artistes qui préféraient leur charmante forêt aux divers salons parisiens à la mode.

Connaissez-vous Etienne Pivert de Senancour ? Cet auteur méconnu a écrit un roman intitulé Obermann. Un drôle de livre pas très facile à lire mais incontournable pour qui s'intéresse à notre forêt.  C'est une sorte d'autobiographie basée sur une correspondance fictive où il évoque longuement la forêt de Fontainebleau. D'ailleurs, Senancour s'est longuement attaché à décrire la beauté et la magie des paysages bellifontains dans ses ouvrages comme Isabelle mais surtout, Les rêveries sur la nature primitive de l'homme. Senancour ne s'arrête pas là et publie quelques articles sur cette magnifique forêt notamment en 1812 dans Mercure de France. Toutefois, il faut bien le reconnaître, cet auteur reste peu connu et son roman Obermann, même préfacé par Sainte Beuve en 1833 ou George Sand en 1840, ne rencontra qu'un succès d'estime.


Voilà ce qu'en dit justement George Sand dans sa préface :

"Quelle belle chose que cette forêt ! Senencour l'a bien décrite dans certaines pages où il veut bien céder au charme qui s'empare de lui. Sa peinture large et bien tranchée est encore ce qui résume le mieux certains aspects. Mais il ne rend pas justice, dans toutes ses lettres, à ce beau lieu. Il rapetisse comme s'il avait peur de le trop admirer. Il le voit à travers son spleen. Il veut qu'on sache bien que ce n'est pas vaste et accidenté comme la Suisse. A quel propos fait-il ce parallèle, je ne le sais.


Hiver 2018 dans les Gorges d'Apremont, Fontainebleau, Barbizon
Hiver 2018 dans les Gorges d'Apremont, Fontainebleau, Barbizon
 
Certes en tant que montagnes, celles-ci ne sont pas des Alpes ; mais, en tant que bois charmants les grands pins de la Suisse n'ont pas les qualités propres à la nature de notre forêt : nature à la fois mélancolique et riante, et qui ne ressemble qu'à elle même. On veut toujours comparer : c'est un tort qu'on se fait, c'est une guerre puérile à sa propre jouissance.
Ce qui n'est pas beau d'une certaine façon n'est ni plus ni moins beau que ce qui est beau d'une manière toute différente. Pour moi, je passerai ma vie ici sans regretter la Suisse et réciproquement.


Hiver 2018 dans les Gorges d'Apremont, Fontainebleau, Barbizon
Hiver 2018 dans les Gorges d'Apremont, Fontainebleau, Barbizon


Là où l'on se trouve bien, je ne comprends pas le besoin du mieux. Je ne sais pas si le proverbe est vrai d'une manière absolue ; je ne crois pas qu'il en ait la prétention, car les sentences sont toujours relatives. Mais, en fait de locomotion, de curiosité, de jouissance personnelle, je croirais volontiers que le regret ou le désir du mieux est un leurre de l'imagination malade. C'était bien le fait de Senecour. Obermann est un génie malade. Je l'ai bien aimé, je l'aime encore, ce livre étrange, si admirablement mal fait : mais j'aime encore mieux un bel arbre qui se porte bien."


Et Gorge Sand, en rajoute encore sur cette comparaison avec la Suisse dans un lettre adressée à Marie d'Agoult datée du 25 août 1837, où elle écrit, à propos de Bleau : "C'est vraiment un pays adorable, une petite Suisse de poche dont les Parisiens ne se doutent pas, et qui a l'avantage de n'attirer personne."


Hiver 2018 dans les Gorges d'Apremont, Fontainebleau, Barbizon
Hiver 2018 dans les Gorges d'Apremont, Fontainebleau, Barbizon
 
 
Une vison qui ne fut pas partagée par tous les auteurs français ! Ainsi Stendhal n'a su reprocher à ces paysages que leur banalité et leur ridicule au travers d'une comparaison avec les gigantesques paysages des Alpes : "Les rochers de Fontainebleau sont ridicules ; ils n'ont pour eux que les exagérations qui les ont mises à la mode. Le parisien qui n'a rien vu se figure, dans son étonnement, qu'une montagne de deux cents pieds de haut fait partie de la grande chaînes des Alpes. Le sol de la forêt est donc fort insignifiant ; mais, dans les lieux où les arbres ont quatre - vingt pieds de haut, elle est touchante et fort belle." (dans Mémoires d'un Touriste).


Hiver 2018 dans les Gorges d'Apremont, Fontainebleau, Barbizon
Hiver 2018 dans les Gorges d'Apremont, Fontainebleau, Barbizon
 
 
Bref, c'est hélas trop souvent cette comparaison avec la montagne que celles et ceux qui ne connaissent pas grand chose de notre massif forestier utilisent pour qualifier Bleau.

Allez, voici quelques unes de mes photographies de samedi...Les autres arrivent !
 
 
 
 
 
 
 
 


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