Il y a bien longtemps que je n’ai plus partagé avec vous mes observations naturalistes en Pays de Fontainebleau. Le Printemps est déjà bien avancé mais à l’occasion du déconfinement, vous allez sans doute reprendre les chemins de la forêt et vous aurez encore la possibilité d’observer la flore et la faune printanière. J’ai publié au fil du temps de très nombreuses fiches espèces pour la Flore et la Faune et dont vous retrouverez la plupart dans le menu également. C’est à la faveur d’une petite balade dans la forêt départementale des Grands Avaux que j’ai croisé ce drôle de coléoptère. Ce scarabée plutôt facile à reconnaitre est un Méloé. Un gros bonhomme aux reflets bleutés, totalement inoffensif et incapable de voler pour prendre la fuite. D’ailleurs ses élytres ne parviennent même pas à recouvrir son abdomen rebondi. J’ai écrit inoffensif, ce n’est pas tout à fait vrai !
On les observe entre avril et juillet surtout le long des chemins, en bordure de talus plutôt dénudés et bien exposés au soleil mais aussi dans les landes basses, les bois ouverts ou sur leurs lisières et les prairies sèches fleuries. Globalement, ils recherchent plutôt des sites sablonneux secs et bien exposés. Rien d’étonnant donc à les croiser dans nos massifs gréseux d’Ile-de-France. On les associe donc aux régions chaudes et steppiques et leur diversité augmente vers le bassin méditerranéen ou vers les steppes d’Europe centrale. Ils évitent donc les végétations buissonnantes et recherchent les endroits avec du sol nu et des touffes d’herbes éparses. Mais, leurs exigences précises varient selon les espèces. Ainsi, en Europe centrale, le méloé violacé habite plutôt des boisements assez humides en bords de rivières. Il semble plus précoce ce qui lui permet de profiter de l’éclairement au sol tant que les feuillages ne sont pas sortis. Le méloé ténébreux serait lui, plus « xérophile », amateur de lieux secs, ouverts et chauds. On peut observer ces méloés jusque dans les jardins (à la campagne ou dans les petits villages) non aseptisés par les traitements chimiques ou un entretien excessif. Si les grands épisodes de déforestation massive en Europe de l’Ouest au cours des siècles passés ont favorisé les méloés, depuis le milieu du vingtième siècle, avec le recul des pratiques pastorales et la reforestation de nombreux espaces autrefois défrichés, les méloés connaissent maintenant un net déclin.
Lent mais pas si inoffensif !
Comme d’autres coléoptère, le Méloé pratique la saignée réflexe en cas de danger. Autrement dit, il sécrète un liquide répulsif. Il s’agit de gouttes d’hémolymphe (l’équivalent de notre sang) qui suintent au niveau des articulations des pattes. Ce liquide jaune orangé, de consistance huileuse, leur vaut le surnom anglais de « oil-beetle », scarabées à huile ou enfle bœuf. En effet, ce liquide renferme un poison (au moins pour les vertébrés), la cantharidine qui inhibe une enzyme clé du cycle du glycogène et induit des effets de vasodilatation. Le nom vernaculaire, enfle-bœuf, fait référence aux conséquences de ce poison sur les bovins qui auraient ingéré un méloé avec de l’herbe. Bon, à mon avis, il faut en manger plus d’un… Ce qui vaut aussi au méloé d’être parfois désigné à tort sous le nom de cantharide puisque c’est en réalité à une autre espèce de coléoptère. Au contact de la peau, elle peut provoquer des réactions sous forme de cloques mais il faut manipuler ces insectes longuement pour subir de tels effets. Donc pas de panique et lavez-vous les mains…
Autre singularité de cette charmante bestiole, sa larve se développe en parasitant les nids d’abeilles solitaires. Un vrai profiteur ce Méloé ! En effet, si les adultes se nourrissent de végétaux et de pollen (notamment les fleurs de ficaires), sa larve, le triongulin, mange des œufs d’abeille ! Notre femelle Méloé pond ses œufs sur le sol. A l’éclosion, les larves se rassemblent souvent en masse sur une fleur et s’accrochent au premier butineur venu en espérant qu’il s’agisse d’une abeille solitaire. Pour cela, la larve est munie des trois griffes qui lui permettent de s’accrocher (d’où « triongulin »). Parvenu dans une cellule d’abeille solitaire, une andrène généralement, le triongulin mange l’œuf, puis les réserves de nectar et de pollen et se transforme alors en un deuxième type de larve, qui ressemble cette fois à un asticot. Après avoir mué, cette larve quitte le nid de l’abeille et mue encore deux fois avant de se nymphoser. On comprend vite à la lecture de ce cycle de vie combien la probabilité qu’un triongulin devienne un Méloé adulte est faible…
Méloé violacé femelle (Meloe violaceus) Grand Avaux, 91 |
Primo, il leur faut d’abord trouver une abeille. En début de printemps, sil la période fraîche se prolonge, les abeilles ne volent pas. Deusio, il faut qu’il choisisse une abeille solitaire. Il n’aurait aucune chance avec les abeilles sociales vivant dans les ruches ou un autre insecte velu. Tertio, il faut qu’il s’accroche à une femelle ! Bref, c’est pas gagné d’avance. Du coup, les méloés compensent par une extrême fécondité. L’abdomen démesuré des femelles est un véritable « sacs à œufs ambulant ». Selon les espèces, une femelle méloé peut pondre plus de 25 000 (M. rugosus) et jusqu’à 40 000 (M. proscarabeus). De tels chiffres ne se retrouvent que chez des insectes sociaux avec par exemple les reines des abeilles ou des termites. Selon les espèces de méloés, ces milliers d’œufs sont soit pondus en gros paquets dans quelques terriers seulement ou en petits lots dans de multiples terriers. A cela s’ajoute la sélection de sites de ponte proches de colonies installées d’abeilles solitaires. L’habitat des méloés se trouve ainsi intiment lié à celui des hôtes de ses larves.
Donc, si vous croisez un insecte aux allures de fourmi géante noire aux reflets métalliques à gros ventre, c'est peut être un Méloé. Ces insectes mesurent jusqu’à 3,5 cm pour les femelles (les mâles sont un peu plus petits). Pour distinguer les deux espèces les plus répandues, il faut d’abord vérifier si les antennes possèdent une partie centrale avec des articles (articulations) épaissis ; si oui, vous êtes sur une de ces deux espèces. Ensuite, observer de près le thorax (pronotum) qui porte chez le méloé violacé (Meloe violaceus) un sillon transversal vers sa base inférieure et une échancrure, sillon absent chez le méloé ténébreux (M. proscarabaeus) ; ce dernier est, en général plus noir que l’autre et la ponctuation de sa carapace plus grossière. Donc si vous photographiez un de ces insectes pensez à zoomer sur le thorax vu de dessus pour pouvoir discriminer ces deux espèces. Les antennes des mâles présentent un coude marqué (presque à 90°) au niveau du sixième ou septième article mais ceci ne vaut que pour les deux espèces les plus communes.
Critères d'identification Méloé violacé femelle (Meloe violaceus) |
REMARQUES : D’autres espèces de Meloe sont très proches notamment Meloe variegatus.
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