lundi 15 mai 2023

[FICHE ESPECE] Monsieur et Madame Martin Pêcheur s'accouplent au-dessus de l'eau près de Melun

Couple de Martin-pêcheur d'Europe

J’ai enfin pu photographier le Martin pêcheur d’Europe dans un petit ENS péri-urbain proche de Melun où j’avais repéré la présence de l’oiseau sans pouvoir le photographier. C'est en général à son cri perçant qu'on est averti de sa présence et le plus souvent, ce qu'on voit de l'oiseau, c'est une flèche bleue qui file à toute vitesse au ras de l'eau et malgré ses couleurs vives, il n'est pas facile non plus de le repérer dans la végétation. En revanche, quand on sait où il se trouve, il suffit d'attendre pour observer son activité car l’animal est territorial et fidèle à ses perchoirs. Profitant de quelques congés, j’ai donc ressorti mon vieux boitier Canon EOS 500 et un non moins vieux 75-300 mm (voir en bas de cet article à propos de la photographie animalière). Alors, je savais que les images ne seraient pas terribles mais comme j’ai eu la chance d’assister à la reproduction du couple, il y a quelques jours je les partage !


La flèche bleu...quand tu n'as pas
 le temps de faire la mise au point

La famille des martins pêcheurs, les Alcédinidés, est forte de 19 genres et 116 espèces, présente sur tous les continents. La taille des martins va de celle d'un moineau à celle d'une corneille. La majorité d'entre eux fréquentent bien sûr les milieux aquatiques et leurs abords et leur plumage est souvent vivement coloré. La très petite taille de leurs pattes aux doigts partiellement soudés leur interdit la marche au sol. Ils sont dotés d’un bec en  forme de dague typique des piscivores, redoutable pour la capture des proies. Tous sont en effet carnivores, et cavernicoles pour la reproduction. La majorité d'entre eux creusent leur nid avec leur bec dans un substrat meuble. Le nombre d’œufs est élevé (une dizaine). Étant donné leurs exigences écologiques, il n'est pas étonnant qu'un bon tiers d'entre eux soient classés dans les espèces ayant un problème de conservation. Ce n’est heureusement pas le cas du notre.

Le Martin-pêcheur d'Europe (Alcedo atthis) porte mal son nom car il est présent sur l'ensemble de l'Eurasie, de l'Atlantique au Pacifique. Seule la sous-espèce "ispida" n'occupe que l'Europe. Elle est absente d'Islande, rare dans le nord des Îles britanniques. Les populations des régions continentales du nord sont migratrices et celles de l'ouest vont hiverner autour du bassin méditerranéen et du Golfe persique alors que celles de l'est rejoignent les populations sédentaires du sud du continent asiatique. 

Le Martin-pêcheur d'Europe vit au bord de l'eau aussi bien stagnante que courante pourvu qu'elle soit triche en petits poissons et suffisamment claire pour qu'il puisse y pêcher efficacement. Il lui faut également de la végétation et des perchoirs sur lesquels il puisse se tenir à l'affût de ses proies, même si occasionnellement il peut pratiquer un vol stationnaire de repérage. Le milieu peut donc être naturel ou alors complètement artificiel. Ainsi, de nombreuses ballastières résultant de l'extraction de granulats, recolonisées par la végétation et empoissonnées, constituent de nouveaux territoires pour l'espèce.

L'espèce n'est pas menacée mais on peut quand même imaginer qu'avec une empreinte humaine toujours plus grande, la destruction des zones humides et l'artificialisation des berges, un certain nombre de populations seront localement en déclin sur le long terme.

En effet, c'est une espèce sensible aux conditions de son environnement. La pollution croissante des rivières associée à une pluviométrie déficitaire a un impact négatif sur la ressource en poissons, sa nourriture majoritaire. Par ailleurs, tous les aménagements qui affectent la naturalité des berges réduises le nombre de sites de nidification. Il y a fort à parier que les sécheresses à répétition dans le sud de la France par exemple auront rapidement un impact sur leur population.

Couple de Martin-pêcheur d'Europe près de Melun

Le Martin-pêcheur d'Europe est donc ce petit alcédinidé au plumage bleu et roux d'une quinzaine de centimètres. Le dimorphisme sexuel est faible donc distinguer la femelle n’est pas toujours évident. Heureusement, en période de reproduction, un indice ne trompe pas : le bec ! En effet, les adultes ont l'ensemble des parties supérieures bleues et d'un bleu particulièrement vif du manteau aux sus-caudales. Les scapulaires et les couvertures alaires sont plus sombres, nuancées de vert et ponctuées de bleu clair. Les parties inférieures sont d'un roux vif à l'exception de la gorge blanche à crème. En période nuptiale, le bec est entièrement noir chez le mâle adulte et noir avec la base de la mandibule inférieure orange chez la femelle adulte. Le juvénile est globalement plus terne, avec un bec noirâtre à pointe blanchâtre et des pattes rosâtres.

Monsieur Martin-pêcheur d'Europe (droite) répond aux appels de Madame (gauche) ENS près de Melun, Seine et Marne
Monsieur Martin-pêcheur d'Europe (droite) répond aux appels de Madame (gauche)
ENS près de Melun, Seine et Marne

Le cri habituel du Martin-pêcheur d'Europe, ou tout au moins celui qu'on entend le mieux et le plus fréquemment est un "siii" long et puissant. C'est par ce cri que l'oiseau s'annonce quand il survole la surface de l'eau. Mais son chant est une succession de sifflements stridents de fréquence un peu variable. Et un "tri tri tri tri tri..." aigu et vibré est utilisé pour repousser un intrus.

Pour la reproduction, le martin-pêcheur doit avoir à sa disposition des "fronts de taille" facilement accessibles, assez fréquents le long des eaux vives, dans lesquels il pourra creuser du bec le tunnel de nidification horizontal qu'il élargira à son extrémité pour accueillir le nid. Le substrat doit être favorable au creusement donc ni trop friable pour tenir dans le temps, ni trop caillouteux. Un mélange sablo-limoneux est donc idéal. 

Dans mon ENS de l'agglomération de Melun, une seule berge de la Seine semble présenter toutes les conditions favorable à la nidification cavernicole typique de l'espèce et deux trous attestent d'anciennes nidifications. Hélas, cette berge est très facilement accessible tant aux promeneurs qu'à leurs chiens alors qu'un simple grillage permettrait de protéger efficacement cet espace. Il faudrait aussi dégager deux mètres de la végétation envahissante pour permettre le creusement de nouveaux nids. Quand on connaît un site de nidification, les observations sont plutôt faciles mais nécessite de se fondre dans l'environnement, par exemple grâce à un filet de camouflage, car l'oiseau est farouche. Ici, il semble qu'à force d'être dérangé, le couple se soit installé ailleurs.

Si le long des cours d'eau, le martin-pêcheur trouve généralement le gite et le couvert, ce n'est pas toujours le cas pour les plans d'eau dont les berges sont plus douces. Il peut donc y avoir distanciation entre les zones de pêche et le site de nidification. En effet, notre martin-pêcheur est capable de trouver un site terrestre favorable à la nidification jusqu'à plusieurs centaines de mètres du plan d'eau et son territoire peut s'étendre sur près de 3,5 km.

Avec ses mouvements vifs et ses nombreux cris, on devine que l'oiseau est plutôt agressif avec ses congénères et prompt à défendre son territoire contre les intrus. Il faut, dire que dans les meilleurs secteurs, la densité de martin-pêcheurs peut atteindre 6 à 8 couples au km linéaire de cours d'eau ! 


Le nid est creusé dans la berge de la Seine où le substrat présente la bonne densité
Le nid est creusé dans la berge de la Seine où le substrat présente la bonne densité

Si les hivers sont assez doux, les populations deviennent sédentaires et restent toute l'année sur le même spot. Ce sont alors les jeunes de l'année qui assureront la dispersion de l'espèce et le brassage de la population. En revanche, pour les populations soumises à un climat continental à hivers froids, la migration est de rigueur. Les zones d'hivernage sont distinctes des zones de nidification et les trajets migratoires peuvent atteindre plusieurs milliers de km bien que l'espèce ne soit pas taillée pour les longs vols. À cette saison, ces martins-pêcheurs sont volontiers côtiers et fréquentent les littoraux rocheux, les estuaires, les lagunes, les ports, les mangroves, etc. Assuré par des ailes courtes et arrondies à grande fréquence de battements, le vol du Martin-pêcheur d'Europe est très rapide. Ce qui est étonnant avec des ailes pareilles, c'est que le martin-pêcheur puisse être migrateur. Du coup, sa migration ne peut être une migration d'altitude, il procède donc par courtes étapes.

Reproduction du couple de Martin-pêcheur d'Europe 
ENS près de Melun, Seine et Marne

Reproduction du couple de Martin-pêcheur d'Europe  ENS près de Melun, Seine et Marne

Le Martin pêche à l'affût. Posté sur une branche au-dessus de l'eau, lorsqu'un poisson est repéré, il quitte son perchoir et vient percuter le surface pour se saisir du poisson. L'essentiel de son menu est composé de petits poissons de toutes sortes, vairons, vandoises, rotengles et gardons, truitelles, etc, dès lors que leur taille n'excède pas 12 cm. Les poissons constituent au moins 60% du régime, le reste étant assuré par les amphibiens (petits anoures ou têtards) et quelques grosses bestioles aquatiques (dytiques, larves d'Odonates, crustacés, etc.) Il pratique parfois la pêche en vol stationnaire. et plonge le plus souvent d'un vol oblique et rapide en rabattant les ailes vers l'arrière au moment de l'impact avec la surface. Il refait surface presque instantanément s'appuyant dans l'eau d'un coup d'ailes puissant et regagne son perchoir. On peut aussi noter que la morphologie de ses ailes permet également au martin-pêcheur de nager brièvement sous l'eau. Si la proie est petite, elle est avalée directement tête la première. En revanche, une proie de grande taille est tenue du bec et assommée à grands coups portés contre le support puis avalée inerte. Après digestion, le martin-pêcheur rejette par la bouche la partie indigeste de ses proies (écailles, os) sous forme de petites pelotes de régurgitation blanches ou grises.


Une fois son affaire faite Monsieur Martin-pêcheur d'Europe (gauche) laisse Madame (droite)
ENS près de Melun, Seine et Marne


La période de reproduction varie suivant les localités. En Europe, elle est printanière et estivale (mars à juillet). L'espèce est en principe monogame et le couple élève souvent deux nichées successives. La nidification débute par des parades nuptiales qui comportent de bruyantes poursuites aériennes, les deux partenaires volant tantôt au ras de la surface de l'eau, tantôt au-dessus de la cime des arbres riverains, mais toujours dans des endroits dégagés. Ils paradent ensuite sur un perchoir, alternant accroupissements et étirements, basculements du corps de gauche à droite, le tout ponctué de cris divers sifflés et roulés. Les préliminaires peuvent durer de longues heures, voire plusieurs jours, jusqu'au choix par la femelle du site de nidification parmi tous ceux que le mâle lui propose. L'alliance est conclue lorsque la femelle accepte le poisson que lui offre le mâle. Ce dernier se tient devant elle, courbé en avant, cou tendu et ailes tombantes, le bec tenant le poisson présenté par la tête. À partir de ce moment le mâle nourrira sa partenaire de façon à ce qu'elle se consacre entièrement à la reproduction.

Comme je l'ai déjà indiqué, le Martin-pêcheur d'Europe est cavernicole et niche dans une loge située dans la berge. Si aucun terrier préexistant n'est disponible, le couple devra en creuser un avec le bec, les pattes servant à évacuer la terre ce qui lui demande 1 à 2 semaines de travail. Le plus souvent, le tunnel est creusé le plus haut possible dans la berge pour éviter les inondations et classiquement à moins de 50 cm du niveau du sol sus-jacent. Légèrement montant, il est de longueur très variable mais fait souvent plus d'un mètre de long pour un diamètre de 5 à 7 cm. Au bout du tunnel, la chambre de nidification mesure environ 10 cm de largeur et de hauteur pour 15cm de profondeur.

La femelle y pond en moyenne six ou sept œufs que les adultes vont couver à tour de rôle le jour, la femelle seule la nuit. L'incubation dure environ 3 semaines. Les poussins, nus et aveugles sont nourris de minuscules poissons et après une dizaine de jours, ils peuvent déjà avaler des poissons de plus de 3 cm. Mangeant environ leur poids de poissons chaque jour, les jeunes grandissent vite et sont aptes à quitter le nid à l'âge de 4 semaines environ. Ils restent groupés dans le voisinage du nid et effectuent leurs premiers plongeons quelques jours après leur sortie. Souvent à ce moment, la femelle est déjà investie dans une seconde reproduction et c'est le mâle qui assure l'éducation des jeunes. Comme le premier nid est souillé par les déjections des jeunes et les pelotes de régurgitation, c'est dans nouvelle cavité qu'à lieu la seconde couvaison. Il est donc impératif de préserver ces berges. Amis de Seine et Marne Environnement et du Département, si vous pouviez faire quelques travaux sur cette ENS, ce serait top et je suis à votre disposition si besoin.

Un deuxième nid est creusé dans la berge de la Seine à 1 m du premier




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