jeudi 11 mai 2023

[FICHE ESPECES] Bergeronnette des ruisseaux et bergeronnette grise dans les zones humides du Pays de Fontainebleau

Il est temps pour moi de reprendre un peu plus régulièrement mes publications sur mon blog tant pour l'escalade que pour les fiches espèces. Une fois n'est pas coutume, cette fiche sera consacrée à deux espèces d'oiseaux  ! En effet, je me suis peu investi ces dernières années dans l'animalier et l'ornithologie faute de temps et de matériel mais profitant de quelques congés pour explorer les rivières du Pays de Fontainebleau, j'ai fait quelques belles rencontres que je me devais de vous partager. Alors commençons pas les bergeronnettes.

Les Bergeronnettes


Les milieux humides au cœur de la forêt de Fontainebleau sont assez peu nombreux, fragiles et parfois éphémères. Pour autant, ils restent indispensables à certains oiseaux. En périphérie et jusqu'à la Seine, de nombreux rus, ruisseaux et rivières permettent à certaines espèces de s'épanouir dans le Pays de Fontainebleau. Ainsi, en suivant le Ru de la Mare aux Evées j'ai rencontré la très commune Bergeronnette grise (Motacilla alba) mais aussi l'étincelante Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla Cinerea) !

Treize espèces de bergeronnettes constituent le genre Motacilla (ordre des Passeriformes) qui doit son appellation commune au diminutif de bergère parce qu'il se plaît au milieu des troupeaux. Les Motacillidés sont donc des passereaux de taille moyenne (11 à 24 cm), à longue queue et à longues pattes. Les Bergeronnettes se repèrent assez facilement sur une branche ou au sol car elle ont tendance à se déplacer avec des mouvements très saccadés. Elles piètent, c'est-à-dire qu'elles marchent, une patte devant l'autre, avec de brusques mouvements de la tête et de queue. Elles sont donc parfois appelées hochequeues.  Nos deux espèces du jour aiment tout particulièrement les zones humides où on peut assez souvent les voir courir à la poursuite d'insectes. Elles sont largement répandues sur la planète, y compris en altitude et ne sont donc pas menacées. 

Bergeronnette grise (Motacilla alba)

Bergeronnette grise (Motacilla alba), ENS Malécot, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette grise (Motacilla alba), femelle, ENS Malécot, Pays de Fontainebleau


La Bergeronnette grise occupe une large gamme d'habitats ouverts, aussi bien secs que humides, mais se rencontre généralement non loin d'un point d'eau. La condition principale est que l'espace soit bien dégagé, avec un accès facile au sol où se passe l'essentiel de son activité. C'est pourquoi elle apprécie les milieux agricoles, les abords dégagés des plans d'eau, les pelouses urbaines, les terrains vagues industriels, etc. Avec sa silhouette fine, sa longue queue agitée et sa tête noire et blanche, la Bergeronnette grise attire rapidement l'attention dans les paysages dégagés qu'elle fréquente systématiquement, surtout qu'elle n'est pas vraiment farouche. Avant que l'Homme ne lui procure en abondance les anfractuosités nécessaires à la construction des nids, elle devait en trouver essentiellement le long des berges érodées, d'où probablement sa relation à l'eau.
La Bergeronnette grise est insectivore au sens large et se nourrit de toutes sortes de petits invertébrés dont la nature varie suivant l'endroit où elle se nourrit.

Bergeronnette grise (Motacilla alba), ENS Malécot, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette grise (Motacilla alba), femelle, ENS Malécot, Pays de Fontainebleau

Les études ont montré que les diptères (mouches, etc.) étaient toujours majoritaires dans son régime car souvent naturellement abondants dans les sites qu'elle fréquente. Elle use de trois méthodes pour s'alimenter. Elle chasse tout en marchant, au sol que l'insecte soit sur terre ou sur la végétation flottante mais elle peut aussi fondre sur sa proie d'une accélération rapide. Enfin, elle peut capturer des insectes en plein vol. Avalées d'un seul coup, car ce sont en général des insectes de petite taille, les proies des Bergeronnettes, si elles sont trop grosse seront frappées sur une pierre ou au sol avant d'être consommées. Opportuniste, la Bergeronnette grise peut se nourrir dans les décharges, tas de compost, voir cadavres d'animaux qui attirent les mouches.

La saison de nidification de la Bergeronnette grise s'étale d'avril à juillet mais le calendrier varie suivant la latitude. Sous des cieux tempérés, les couples ont le temps de mener à bien deux nichées. Plusieurs mâles peuvent se quereller avec force gesticulations pour la même femelle, mais c'est cette dernière qui a le dernier mot. Puis surviennent les accouplements au bout de quelques jours de vie commune.
La nidification suivra sans délai. La Bergeronnette grise fait son nid dans une anfractuosité et ce dans des contextes très variés. Constitué d'éléments végétaux variés (brindilles, herbes, fibres diverses, radicelles, mousse), il est garni de poils, de laine et de plumes. La femelle pond cinq ou six œufs gris-bleu, tachetés de brun. L'incubation dure une quinzaine de jours, assurée majoritairement par la femelle. Les jeunes, couvés par la femelle durant les cinq premiers jours, sont nourris par les deux adultes. Ils quittent le nid au bout de deux semaines. Le couple se partage ensuite la fratrie qui sera encore sous sa dépendance une quinzaine de jours, mais la femelle peut entamer une seconde reproduction avant même que la première nichée soit émancipée.

Bergeronnette grise (Motacilla alba), ENS Malécot, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette grise (Motacilla alba), femelle, ENS Malécot, Pays de Fontainebleau



Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla Cinerea)


La Bergeronnette des ruisseaux est très dépendante de l'eau. En effet, c'est au bord de l'eau et même en eau peu profonde qu'elle cherche sa nourriture. Tous les cours d'eau sont susceptibles de l'héberger, mais elle a quand même une nette préférence pour les eaux agitées, où elle se nourrit sur l'écotone eau-terre en puisant dans les deux milieux. Insectivore, elle se nourrit principalement d'insectes à larves aquatiques mais capture aussi des gammares, crustacés amphipodes, et de petits mollusques. Pour cela, elle déambule en eau peu profonde.

Bergeronnette grise (Motacilla Cinerea), Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla Cinerea), femelle, Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau

La Bergeronnette Cinerea est monogame et fortement territoriale. Le mâle défend vivement son territoire par son chant et le vol territorial associé du fait de la rareté de la ressource. Il se tient penché ailes et queue ouvertes et basses, exhibant les plumes jaunes ébouriffées de son croupion à titre de signal visuel. Le cri émis en vol est un "tjip" sonore et résonnant, souvent doublé en "tjitip", et l'oiseau n'en est pas avare. Le chant consiste en la répétition de notes aiguës, très sonores, souvent émises par séries de 3 à 5. La puissance et la fréquence de la voix permettent au chanteur d'être entendu malgré les bruits de chute ou d'écoulements d'eau.

Elle peut se trouver aussi bien en milieu ouvert qu'en forêt. On peut même la trouver en agglomération lorsqu'un cours d'eau traverse un parc et l'altitude importe peu puisque certaines ont été observées nichant à  à plus de 4 000 m dans l'Himalaya. Les oiseaux sédentaires occupent leur territoire toute l'année, mais sous climat continental à hivers froids, les bergeronnettes vont hiverner plus au sud au bord des eaux douces ou marines ainsi que dans tous les milieux inondés. Les oiseaux nichant en altitude descendent vers la plaine avant l'hiver. La saison de reproduction de la Bergeronnette des ruisseaux s'étend de mars à août. En Europe de l'Ouest, la nidification elle-même débute en avril et sera parfois suivi une seconde nichée. La femelle pond 3 à 7 œufs que les parents couvent durant 12 à 14 jours. Les petits sont nourrit au nid pendant 12 à 13 jours encore et les juvéniles s'émancipent 2 à 3 semaines après l'envol.

Bergeronnette grise (Motacilla Cinerea), Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla Cinerea) femelle, Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau

Pour la nidification, elle a besoin d'un milieu rocheux où construire son nid. À l'origine, ce devait être assez systématiquement un pan rocheux naturel présentant des irrégularités comme des fissures, mais de nos jours, l'Homme lui fournit de nombreux sites de nidification artificiels (ponts, moulins, etc.). Le nid est le plus souvent caché à la vue par une touffe d'herbe, mais il suffit souvent de se placer sur un pont et d'observer le cours d'eau pour découvrir la Bergeronnette des ruisseaux d'autant que le jaune se détache assez bien sur son environnement et que la Bergeronnette des ruisseaux a toutes les caractéristiques comportementales du Hochequeue !

La Bergeronnette des ruisseaux présente un dimorphisme sexuel. Le mâle nuptial se reconnait tout de suite à sa bavette noire. La tête est gris-cendre. L'œil sombre possède deux arcs oculaires blancs dessus et dessous. Deux larges moustaches blanches bordent la bavette noire. En hiver, le mâle perd cette bavette et ressemble alors plus à une femelle, mais reste plus jaune dessous. La queue est très longue, noire au centre, avec 3 paires de rectrices externes blanches bien visibles au vol également. Les pattes sont rosâtres à brunâtres.
Bergeronnette grise (Motacilla Cinerea), Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla Cinerea), mâle, Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau

La femelle nuptiale ressemble au mâle, mais n'a pas de bavette noire. En hiver, ses parties inférieures sont nettement moins jaunes, excepté au niveau des sous-caudales. Les flancs sont blanchâtres. Le juvénile ressemble à une femelle pâle. Le gris du dessus est légèrement nuancé d'olive. Le dessous est blanchâtre avec souvent la poitrine crème à saumon pâle. Critère spécifique, le jaune est confiné aux sous-caudales.
Bergeronnette grise (Motacilla Cinerea), Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau
Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla Cinerea), femelle, Ru de la Mare aux Evées, Pays de Fontainebleau

On avance la possibilité de confusion entre la Bergeronnette des ruisseaux et la printanière. À mon avis, quand on voit bien les oiseaux, cela ne vaut que pour les juvéniles, et encore. Le manteau, le dos et une partie des couvertures sont gris chez notre Bergeronnette alors que la printanière est plus brune, avec un sourcil plus net, mais surtout est complètement dépourvue de jaune et avec une queue nettement plus courte.

Voilà pour cette reprise des Fiches Espèce et ce nouvel article Ornitho du Pays de Fontainebleau. Dites-moi si vous croisez ces charmantes Bergeronnettes près de chez-vous en commentaire !

La photographie animalière et ornithologique.


Un petit mot pour terminer cet article sur le matériel et le respect de la faune me semble nécessaire. Je ne suis pas photographe animalier ou naturaliste comme bon nombre de mes confrères et consœurs de la région. C'est à dire que je ne suis pas spécialement équipé pour ce type d'image, que je n'affûte pas et que je ne me réveille pas avant l'aurore pour traquer les bêtes - ils, elles, le font beaucoup mieux que moi !- Mes images sont donc prises au hasard de mes billebaudes. Pour autant, je prends toutes les précautions nécessaires pour ne pas déranger les animaux (j'évolue en silence et contre le vent) mais surtout je ne m'approche jamais des petits ou des nids. Si par hasard je vois une mère fuir un nid à cause de ma présence, je ne m'attarde pas sur place pour qu'elle puisse revenir très rapidement. En cette période de naissance, il est primordiale de respecter la tranquillité des animaux. En cas de rencontre avec un petit, ne le touchez pas ! Son isolement n'est pas synonyme d'abandon mais s'il vous prenez l'envie de le caresser, vous le condamneriez à une mort certaine. C'est aussi vrai pour de nombreux oiseaux qui, même tombés du nid, peuvent être élevés au sol par les parents. 

A 15 mètres avec un 100 mm plein format, une bergeronnette d'une dizaine de centimètres de dos
reste peu visible sur une image. Avec un gros recadrage, un tirage en 15 X 20 cm sera le
maximum possible pour ce type de photographie...



Matos photographique


Si vous aimez la nature et la photographie, vous avez sans doute déjà essayé au moins une fois de photographier un oiseau. Vous aurez alors compris que ce n’est pas la chose la plus facile à faire… Ils sont petits, rapides et fuyards ! Bref, on les entend beaucoup plus que l'on ne les voit. Donc, il faut, pour réussir ses images un appareil photographique un peu performant mais surtout, un téléobjectif d'au moins 200 mm. Et c'est un minimum. Notez que si  votre boîtier n’est pas un plein format mais un capteur APS-C, alors, bonne nouvelle, votre 200 devient un 300 mm (car il faut en moyenne multiplier par 1,5 pour obtenir l’équivalence de focale en 24x36mm par rapport au capteur). Dans l’idéal, il vous faudra un objectif lumineux, c'est à dire qui peut ouvrir à grande ouverture (le plus petit chiffre possible après le f). Par exemple dans mon cas, je peux utiliser mon 70-200mm et ouvrir mon diaphragme jusqu’à f/2.8, ce qui est une grande ouverture. Le problème, c’est que ce type d’objectifs coûte cher. Enfin, de manière générale, pour figer le vol d'un Martin pêcheur,  vous devrez pouvoir atteindre au minimum le 1/800 de secondes ce qui est faisable facilement avec ce type d'objectif même en cas de faible lumière mais devient plus problématique avec des cailloux ouvrant à partir de f5,6. Et ce d'autant que  nos micromouvements (mains, déclenchement, respiration...) sont amplifiés par les téléobjectifs s'ils ne sont pas stabilisés. Il faut donc des vitesses rapides pour obtenir des photos bien nettes et jamais inférieures à la focale (1/300 pour un 300 mm, etc.). 

Mais rassurez-vous, si vous ne pouvez pas vous offrir un tel cailloux pour le moment, ce n’est pas grave ! Toutes les images de cet article et des prochains ont été réalisé avec du vieux matériel dont les performances sont très limitées par rapport à ce qui se fait aujourd'hui.  En effet, j'ai un vieux zoom 100-300 mm f5,6 Canon d'entrée de gamme qui, monté sur un vieil EOS500, me dépanne. Les images manquent de netteté à 300 mm notamment au-delà de 30 mètres mais il fait le job si on reste à moins de 15 m de la cible ! Comme le boîtier est lui aussi très vieux, l'auto-focus et le moteur de l'objectif ont parfois bien du mal à faire une mise au point correcte et, avec un ouverture de 6,3 pour 800 ISO, la moindre vibration se ressent sur l'image. Comme il faisait souvent sombre ces derniers jours, j'ai souvent été un peu trop juste en vitesse.

Même à moins de 10, dans un sous bois sombre, une bergeronnette des ruisseaux nécessite un
matériel photographique un peu couteux ou au moins récent pour être exploitable



Les oiseaux sont des animaux sauvages, donc par essence ils sont méfiants et craintifs. Pire, ils ont une très bonne vue ! Il vous faudra donc vous déplacer de manière discrète et surtout lentement, pour ne pas effrayer l’animal qui vous observe. Parfois, il vous faudra carrément stopper tout mouvement pendant de longues minutes, afin que l’animal se rassure et vous oublie (un peu). J'ai traqué un couple de héron et un couple Martin pêcheur (images prochainement) mais ces oiseaux ont une vue extraordinaire et vous repèrent de très loin ! Anticipez vos réglages en faisant une ou deux images à vide pour vérifier l'exposition car il faudra de la réactivité pour ne pas rater une scène qui ne durera souvent que quelques secondes.

Bref, aujourd’hui, un amateur pourra très bien commencer la photographie animalière avec un boîtier à « petit » capteur (APS-C) de milieu de gamme autour des 1000 €, qui lui offrira des performances tout-à-fait honorables, comparées aux boîtiers « pro » d’il y a 10 ans. Il faudra juste beaucoup de patience pour approcher les oiseaux avec un 100 mm. 


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